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Nikon

6.Impasse juridique

technique
01/02/2010 | Benjamin Favier

On le voit, un projet de loi sur la retouche n’est pas un long fleuve tranquille. Celui de Valérie Boyer est même impossible à appliquer en l’état, sur un plan strictement juridique. Pour plusieurs raisons. Joëlle Verbrugge, avocate spécialiste du droit à l’image, auteur d’un blog sur le sujet et collaboratrice chez nos confrères de Compétence Photo, relève plusieurs incohérences. Selon elle, il ne peut être mis en œuvre, tout simplement parce que les coupables éventuels ne sont pas explicitement nommés : « Si réellement le but de la loi est celui qui est annoncé, il faudrait logiquement poursuivre soit les annonceurs lorsqu’il s’agit de publicité, puisqu’en mettant en avant des caractéristiques irréelles ils tentent de faire un profit au détriment de la santé publique, soit lorsqu’il s’agit d’une publication rédactionnelle quelconque, les éditeurs. Mais si la loi est votée, et qu’il est précisé quelque part dans son texte qu’elle vise également les photos d’art, là rien ne s’opposera plus à une poursuite des photographes par exemple lors d’une publication ou d’une exposition… »


La page d’accueil du blog de Joëlle Verbrugge, avocate spécialiste du droit à l’image.

Une éventualité qui fait bondir Frédéric Buxin, président de l’UPC : « Sur qui va reposer la responsabilité ? Les photographes sont un peu les boucs émissaires dans cette affaire. » Autre problème, le préambule de la proposition de loi souligne que la photographie d’art est également concernée : « Une affiche publicitaire ou une photographie figurant sur l’emballage d’un produit seraient également concernées, tout comme les photographies des affiches de campagne politique ou encore les photographies d’art. » Or, dans l’article, on ne parle que de photographie publicitaire, comme le rappelle Frédéric Buxin : « Il nous (L’UPC, NDLR) semble qu’il y a un soucis majeur : le statut de la photographie publicitaire n’est pas défini par la loi. Or dans l’article, seule la photographie publicitaire est concernée. » Une confusion qui dérange Joëlle Verbrugge : « Tant qu’on se limite aux publications à caractère directement publicitaire ça va… je peux encore comprendre. La limite va être plus difficile à tracer entre certains magazines, pour adultes ou pour ados, rédactionnels, et des magazines d’art… Où sera la limite ? Et surtout, qui sera chargé de la tracer ? ». Sans parler de l’absence de définition du mot retouche, qui pose un réel problème dans le cadre juridique : « Le juge pénal va-t-il s’entourer d’un collège d’experts en Photoshop ou autres logiciels pour déterminer si on s’est contenté de lisser un grain de peau ou si on a supprimé les poignées d’amour d’un mannequin… ou d’un Président… Et avec quoi (ou qui) vont-ils comparer la photo prétendument retouchée pour démontrer la réalité de la retouche ? En faisant comparaitre le mannequin à la barre, pour démontrer qu’en réalité il ou elle n’est pas aussi parfait(e) ? Dans l’espoir alors que dans l’intervalle il ou elle n’ait pas pris 10 kg ! »


Extrait de la proposition de loi de Mme Valérie Boyer relative aux photographies d’images corporelles retouchées.

Joëlle Verbrugge va même plus loin dans son raisonnement. Si le projet de loi était adopté tel quel, c’est la conception même de la démocratie, selon elle, qui serait menacée : « Soit on s’écrase et on perd une liberté fondamentale qui est celle de l’expression artistique, soit, dans l’hypothèse où la loi est vraiment appliquée et où des photographes sont poursuivis, ils n’auront d’autre choix que d’aller plaider... mais la démocratie aura perdu du terrain. » Devant tant d’obstacles, on se demande comment une telle loi pourrait voir le jour.

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