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Black Passport : Stanley Greene, visa pour l’enfer

12/11/2009 | Benjamin Favier

12/11/2009- Présenté comme un carnet de bord, Black Passport constitue une véritable introspection, avec le photojournaliste Stanley Greene en sujet principal. Une œuvre violente, poignante, incisive, infiniment personnelle, disponible dès aujourd’hui. Un coup de cœur de la rédaction.

«  Après toutes ces années, j’ai l’impression d’être un salaud. » À 60 ans, Stanley Greene se montre très dur avec lui-même. Pourtant, à la lecture du livre, cette citation prend tout son sens. Black Passport va bien plus loin qu’une simple rétrospective. Le terme introspection semble plus approprié. Le ton est cru. Autant que les images. Le photographe américain n’élude aucun sujet. Les guerres qu’il a couvert pendant de longues années. Les tourments intimes qui le minaient en parallèle. Pour tirer un constat d’échec : malgré son aversion pour les conflits, Stanley Greene y est devenu accroc. Au point reléguer sa vie personnelle en arrière-plan. Principales victimes collatérales, ses compagnes : Caroline, Al, Vika ou Anna sont omniprésentes dans le récit. Chaque départ en Tchétchénie, au Soudan, en Irak ou en Afghanistan les laisse au bord de la route. Stanley Greene avoue même être brouillé avec son frère. Ce dernier lui reproche son absence le jour de l’enterrement de leur mère.

Fragments

Pas de numéros de page. Pas de chapitres. Le livre s’apparente à un puzzle, morcelé en 26 « Scènes », datées et situées, qui semblent se succéder à la manière d’un film de Tarantino. Un procédé qui fait écho au site de Greene, au nom explicite : « Fragments ». L’ensemble prend corps à la fin. Dans l’épilogue, qui aurait pu être un prologue, Teun Van Der Heijden revient sur les origines du projet : raconter la vie de Stanley Greene, sous la forme d’une fiction. Pendant trois ans, il a bu les paroles du photographe. Pour finalement livrer une analyse en profondeur, criante de vérité.

On retient un engagement sans faille pour la cause tchétchène. Un passé houleux à l’Est des États-Unis avec des instants de bonheur de l’autre côté. Un flashback à San Fransisco dans les années 70 entrecoupe les récits de deux voyages douloureux en Irak. Le photographe ravive alors ses années sur la côte Ouest, au San Fransisco Art Institute, où le flambant cocktail sex, drug ans rockn’roll faisait la loi : « L’une des meilleures périodes de ma vie. » Il peste parfois contre le numérique. Se souvient d’une carte-mémoire noyée dans le Mississippi, lors d’un voyage de Bush à la Nouvelle-Orléans, ravagée par Katrina. Glorifie Leica : « Entre de bonnes mains, le Leica devient l’arme de guerre la plus puissante qui soit. » Ses vies parisienne et new-yorkaise sont aussi évoquées. Une époque où il était photographe de mode. Une éternité…

Black Passport en dit long sur le quotidien des photographes de guerre. Une profession à part, comme le souligne Stanley Greene, prenant l’exemple de cérémonies de remise de prix, qui voient ces derniers habillés en treillis kakis, quand leurs confrères endossent des costumes. Ni donneur de leçon, ni désabusé, ni voyeur, Black Passport est le témoignage puissant, vif, d’un homme blessé. Ce passeport, qui le mène en enfer aux quatre coins du monde, ne peut être que noir.

- Black Passport
- Par Teun Van Der Heijden et Stanley Greene
- Éditions Textuel
- 288 pages
- 45 €

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