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David duChemin : l’âme d’une image

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06/11/2018 | LAURENT KATZ

Comment avoir démarré difficilement un livre alors que l’on adhère à la philosophie qu’il véhicule, que l’on apprécie de plus en plus la démarche de l’auteur au fil des pages ? C’est un paradoxe qui n’est qu’apparent et dont l’explication tient à l’état d’esprit du lecteur et à sa manière d’appréhender la vie au sens le plus général. À son âme en quelque sorte. Mais aussi à une écriture qui délaie parfois les idées jusqu’à plus soif.

Il est évident, devant l’attitude aussi peu normale d’une grande majorité de photographes bercés, sinon aveuglés aujourd’hui par la gratuité apparente du numérique et la facilité avec laquelle le matériel laisse photographier en toutes circonstances, qu’il faille s’interroger. À la fois sur sa compulsion personnelle à viser et déclencher plus que de raison, mais aussi sur le sens que l’on donne à ses photographies, sur l’instant et dans la durée.

Le photographe canadien poursuit son éternelle introspection sur le comment du pourquoi de la photographie au sens le plus large : de la prise de vue au post-traitement, en passant par le contenu même de l’image et son interaction avec le photographe et les spectateurs. En témoignent les titres de ses précédents ouvrages, L’âme du photographe, La démarche du photographe, L’intention du photographe ou Le langage du photographe. Celui-là est intitulé en américain The soul of the camera, traduit fort opportunément en L’âme de l’image, qui correspond bien mieux au contenu.

Je dois admettre avoir eu du mal à entrer dans le livre, repoussant chaque jour au lendemain la poursuite du chapitre introductif, et ce pendant une dizaine de jours jusqu’à ce que la contrainte de la publication sur le site soit « le coup de pied au cul de l’âne » salutaire qui me force à repousser mes réticences et entrer dans le vif du sujet, passant outre quelques évidences, redites et intellectualisations. Bien m’en a pris, car ensuite c’est quasiment d’une traite que j’ai avalé les chapitres. Qui s’affranchissent de tout discours technique. Même si le conseil de faire corps avec son appareil est prodigué. Afin qu’il soit un prolongement transparent de la vision, mais pas une contrainte quand il s’agit de saisir le fugace. D’ailleurs, il ne faudrait pas considérer ce livre comme un texte dont le sujet n’est que la photographie. C’est aussi, en partie, une porte ouverte sur l’art de vivre sa passion, voire la vie tout court. Des chapitres sur la patience, la curiosité, l’improvisation, la critique, le besoin d’amour sont bien plus universels que leur contextualisation à la prise de vue.

L’illustration choisie, en fait un porte-folio composé de photos de l’auteur, est répartie de manière à clore chacun des chapitres, introduction et conclusion exceptées. David duChemin a choisi de les reproduire en noir et blanc, pour que le livre soit totalement monochrome «  parce qu’il parle d’âme ». Et les clichés représentent exclusivement des enfants, des femmes et des hommes, rappelant la vocation humaniste de l’auteur. Qui indique qu’évidemment ce choix ne préjuge en rien du type de photos qu’il préconise : il s’adresse à tous les photographes, quel que soit leur genre de prédilection. Il est clair que le livre incite à réfléchir sur sa pratique, l’esprit aussi ouvert que les yeux : sur soi, le monde et les autres. Et sur les autres photographes qui restent une source d’inspiration (pas d’imitation !), ce qu’illustre Jean-Christophe Béchet dans chacun des numéros du Monde de la Photo avec la rubrique Influences et dans son livre Influences. Un jeu photographique aux Éditions de la Martinière.

L’auteur ne fournit pas de trucs, ne donne pas d’astuces, de procédures, de manières d’opérer, de sujets à privilégier ou de styles à explorer. Être directif n’est pas son propos. Il souhaite seulement vous éveiller à la photo, le déclenchement n’étant que l’aboutissement d’intenses réflexions, d’essais ratés ou réussis et en aucun cas le résultat de règles préétablies. D’ailleurs n’affirme-t-il pas : « Je ne dis pas qu’il faut briser les règles. Je dis qu’elles n’existent pas ». Et il préfère le principe, « qui demande la compréhension et les questions » plutôt que la règle, signe « d’autorité ». Une manière de faire comprendre que les contraintes, hormis la patience, la discipline et la maîtrise de l’outil, brisent le libre-arbitre et l’ouverture à tout ce qui est envisageable. Surtout quand il précise dans son introduction que « les meilleures photographies reposent plutôt sur le fait que le photographe a vu quelque chose que nous autres avons ignoré ». Au final, si l’entrée en matière a été pour moi difficile, la sortie du livre s’est faite avec le regret que les réflexions de David duChemin ne se poursuivent pas au long de quelques chapitres supplémentaires. La persévérance est aussi une qualité qui ressort de ses cogitations.

- Le site de l’auteur

Sommaire

  • Introduction
  • La place du savoir-faire
  • La découverte de la vision
  • La pleine conscience du langage
  • La volonté d’interpréter
  • La nécessité de l’ouverture
  • La patience
  • Saisir l’instant
  • Le respect du processus créatif
  • Accepter la reddition
  • Obéir à la curiosité
  • Improvisation
  • Oubliez la perfection
  • La recherche de l’histoire
  • Le rôle du public
  • Le rejet des comparaisons
  • L’authenticité
  • La critique
  • Le besoin d’amour
  • Le courage
  • Le rejet des règles
  • Un regard (variable) sur la beauté
  • La discipline
  • Après l’appareil
  • La quête de la maîtrise
  • Conclusion
  • Index

-  L’âme d’une image, de David duChemin (texte et photos), traduction Franck Mée

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