« Jamais je n’y fus contraint, mais toujours, j’ai préféré et vécu avec le même profit de ce lent, très lent cheminement vers Addis-Abeba au départ de Djibouti. »

Comme dans La colline des anges (éditions Points), c’est en train que Jean-Claude Guillebaud et Raymond Depardon redécouvrent l’Abyssinie. Le premier, la plume à la main, le second, l’œil collé au Leica.

Le premier ouvrage marquait le retour des journalistes au Vietnam, vingt ans après l’avoir quitté, en guerre. Un récit émouvant, peuplé d’anecdotes rendant la nostalgie des deux compagnons de route irrésistible au lecteur.

Rebelote. Cette fois, destination La porte des larmes. Ce détroit qui fait communiquer la mer Rouge et l’Océan indien sur vingt-cinq kilomètres de large entre l’Arabie et l’Afrique. Des retrouvailles aussi magiques que douloureuses. Car contrairement aux Vietnamiens, soulagés d’être sortis de plus d’un demi-siècle de conflits, Éthiopiens et Somaliens continuent de crier famine. En silence.

« Ils nous obligent, en somme, à tout recommencer au début. Patiemment. Modestement. Mot à mot. Comme s’il fallait réapprendre à regarder Djibouti et l’Afrique tout entière. »

Pourtant, Jean-Claude Guillebaud connaît l’Afrique. L’Abyssinie, en particulier. Il y revint fréquemment pour le compte du journal Le Monde.

« L’Abyssinie devint quelque chose comme un secret personnel, un lieu fondateur (…). Elle le demeura pendant près de dix ans. »

Raymond Depardon n’est pas en reste. Documentaires, images, livres : un pan majeur de son œuvre est dédié au continent africain. Ses cinquante clichés monochromes rythment superbement le récit, pour le plus grand bonheur du lecteur, déjà transporté par les mots soigneusement pesés de l’auteur. Malgré l’émotion.

 La porte des larmes
 Éditions Points
 288 pages
 9 €