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Publié le
20 octobre 2010
Par
Interview Eliane SILAR

Eliane SILAR

Chaque mois une personnalité du monde de la photo répond aux questions de la rédaction du MondedelaPHOTO.com.

Photo : Archive Éliane SILAR

Eliane Silar est archiviste au sein de Sipa Press depuis plus de trente ans. Elle est l’un des 96 employés de l’agence, fondée en 1973 par Göksin Sipahioglu et sa compagne, la journaliste américaine Phyllis Springer. À un poste moins en vue que celui des 25 photographes salariés. Mais qui n’en est pas moins essentiel.

-  MDLP : Vous avez débuté votre carrière à l’ère argentique. Comment avez-vous vécu son arrêt ?

Eliane Silar : Je suis arrivée chez Sipa à l’âge de 16 ans. J’ai débuté en octobre 1979, comme apprentie au laboratoire de l’agence qui se trouvait alors rue Roquépine, dans le huitième arrondissement de Paris. Dès 2003, une partie du labo s’est arrêtée lorsque le numérique a commencé à remplacer l’argentique. Le labo noir et blanc a continué jusqu’en 2006. Cette année-là, tout s’est arrêté. Fini les compliments de clients prestigieux extérieurs à l’agence, satisfaits de notre travail. Fini les récits des photographes qui racontaient leur reportages en attendant que le développement se termine, ou que les duplis soient prêts. L’arrêt de l’argentique m’a secouée. C’était bizarre. J’étais un peu perdue : 27 ans d’expérience professionnelle, de compétences qui ne servaient plus à rien. En un quart d’heure, j’ai vu la machine à dupliquer les diapos être démontée avant de partir en morceaux, comme celle qui développait les Ectachrome E6. La direction m’a proposée de passer à la retouche numérique, de travailler sur écran, mais je ne m’y voyais pas. J’ai préféré aller travailler aux archives argentiques, où je suis encore aujourd’hui.

-  MDLP : Combien d’images comptent les archives de l’agence ?

E.S : Je passe mes journées, avec deux autres collègues, dans un univers où l’argentique domine, en nombre de photos : si Sipa possède 9 millions de photos numériques, dont 5 millions réalisées par ses photographes, l’agence a près de 20 millions de clichés argentiques (dont 600 000 ont été numérisés), entre les images réalisées par les photographes de Sipa, et celles des divers fonds, comme Dalmas, Serge Lido, Eclair-Mondial et Universal Photo. Ces dernières ont été rachetées ou mises en diffusion, ce qui permet de remonter jusqu’à l’actualité des années 40.

-  MDLP : Comment sont-elles stockées ?

E.S : Il y a des négatifs, des planches-contact, des diapos stockées dans 800 m2 d’archives, qui représentent près de 4,5 km de linéaire. On y trouve une douzaine de meubles métalliques géants, type Kardex, qui servent au stockage avec des planches de 20 diapositives suspendues, que l’on appelle via un système d’ascenseur électrique, en tapant les références sur un clavier chiffré. Mais il y a aussi des cartons accumulés au cours des années remplis d’originaux, de duplicatas de diapositives avec cache carton ou plastique, etc. Une partie des archives se trouve à l’étage dans les locaux de Sipa, à la Porte de Saint Cloud, une autre dans un bunker situé au sous-sol de l’immeuble qui garantit de bonnes conditions de sécurité et de stockage, ce qui permet aux diapos et aux négatifs de bien vieillir. Il y a bien sûr un système d’alarme et un gardiennage 24 h sur 24. Sans oublier que pour prévenir tout risque d’incendie, il est interdit de fumer chez Sipa depuis 1989, bien avant que la loi ne prohibe la cigarette au bureau.

-  MDLP : Que pensez-vous du numérique ?

E.S : La photo numérique ne m’attire pas trop. Je me sens bien dans cet univers argentique avec des images que j’ai souvent vues passer quand j’étais au labo. J’aime beaucoup les reportages des années 80 : Sipa était une pépinière de grands photographes payés au pourcentage sur les ventes. On travaillait très tôt ou très tard. Les pellicules, récupérées à l’aéroport via un passager qui les avait transportées, arrivaient du monde entier. Il fallait aller le plus vite possible face aux concurrents Gamma et Sygma, pour que le vendeur puisse foncer le premier dans les rédactions, soit avec une sélection de diapos, soit avec de grands tirages réalisés à partir de négatifs couleur. Aujourd’hui, j’ai l’impression que le niveau a légèrement baissé : avec le numérique, on arrive à rattraper beaucoup d’erreurs. Les photographes font aussi beaucoup de photos pour s’assurer d’avoir la bonne image, car cela ne coûte rien. À l’époque de l‘argentique, certains photographes faisaient près de 100 films de 36 poses, alors que les autres en auraient fait moitié moins sur le même sujet, mais c’était rare.

-  MDLP : Vous n’éprouvez aucune lassitude ?

E.S : J’adore mon métier. Je me sens en osmose avec les images qui m’entourent. C’est motivant de faire des recherches pour une rétrospective, à l’occasion d’un décès ou d’une nomination. Dans les fiches manuscrites (avant l’informatisation par mots-clés) des premiers reportages, on ne trouve pas le nom de personnes devenues célèbres dix ou vingt ans plus tard, qui étaient souvent inconnues à l’époque. Exemple, avec l’anniversaire de l’appel du 18 juin 1940, qui a donné beaucoup de travail au service des archives du patrimoine. Ou encore avec un article de presse racontant que le jeune Nicolas Sarkozy avait manifesté aux Invalides, en avril 1976. En regardant chaque image, l’équipe des archives a fini par le reconnaître, et la photo a donné lieu à beaucoup de parutions. Il y a des trésors cachés dans ces archives argentiques qui restent à découvrir.

Propos recueillis par Gilles Klein

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