Programmateur, designer, patron de jazz-club…, Julian Sander est un homme aux multiples facettes. Aujourd’hui, il est galeriste et à la direction d’un espace portant son nom basé à Cologne. Il est aussi l’arrière-petit-fils d’August Sander, photographe allemand indissociable de son œuvre Hommes du XXe siècle dressant le portrait de ses contemporains. Lors de la dernière édition de Paris Photo, qui s’est tenue du 7 au 10 novembre, treize images de cette série (sélectionnées par la galerie Hauser & Wirth et Julian Sander) étaient présentées. L’occasion d’en découvrir plus sur ce travail d’envergure documentant toutes les strates de la société de son temps.
Le Monde de la Photo : Du 7 au 10 novembre, la galerie Hauser & With a présenté treize images de votre arrière-grand-père August Sander à Paris Photo. Dans quelle mesure avez-vous participé à cette exposition ?
Julian Sander : Il s’agit plus d’un partenariat. En fait, je travaille avec la galerie Hauser & Wirth depuis près de trois ans maintenant. Selon moi, il s’agit de la galerie la plus apte à parler du travail d’August Sander.
MDLP : Parlez-nous de ces treize tirages vintages sélectionnés à cette occasion.
J S : Pour l’exposition, nous avons choisi treize tirages qualifiés de « vintages » par le marché de la photographie et qui ont donc été réalisés par August Sander de son vivant. Ils sont tous issus de la série Hommes du XXe siècle. (NDLR : la série regroupe des images prises entre 1892 et 1954 par August Sander. Elles sont réparties en sept groupes : « le paysan », « l’artisan », « la femme », « les artistes », « la grande ville » et « les derniers des hommes » ). Nous avons notamment sélectionné le fameux portrait représentant une secrétaire, car il s’agît d’une image désormais iconique.
MDLP : Comment les archives d’August Sander sont-elles gérées aujourd’hui ?
J S : Pour l’expliquer je suis obligé de remonter aux années soixante-dix. À cette époque, c’est mon père qui a fait découvrir le travail d’August Sander et d’autres photographes européens aux Américains. Dans la plupart des musées, de New York à la Californie en passant par Chicago, on retrouvait d’ailleurs des photographies de Sander, car mon père travaillait directement avec la plupart des musées. En 1984, mon grand-père a transféré tous les droits relatifs au travail d’August Sander à mon père qui a ensuite fondé The August Sander Archives pour préserver ce patrimoine. En 1988, il a fini par rentrer en Allemagne afin que ce travail puisse demeurer dans son pays d’origine. C’est à ce moment-là qu’il s’est rendu compte qu’il n’avait pas forcément les moyens financiers et humains pour tout gérer. Il a donc cherché des partenaires et en 1992, le fonds August Sander a été racheté par le SK Stiftung Kultur anciennement appelé le City-Treff, the Cultural Foundation of the Stadtsparkasse de Cologne.
MDLP : Que représente ce fonds ?
J S : Ces archives comptent entre 3000 et 5000 images vintages. Il s’agit de la plus grande collection d’images vintages de Sander. À cela s’ajoutent les négatifs, les livres et le matériel laissé par mon arrière grand-père. Le SK Stiftung Kultur gère très bien ce patrimoine. Ce qui leur manque cependant est le contexte et l’histoire liée à notre famille qui aiderait à mieux comprendre et à apprécier cette œuvre. C’est aussi pourquoi, de notre côté, nous avons monté la Family Collection of August Sander. L’idée n’est pas de représenter les archives d’August Sander - car elles ont été vendues par mon père -, mais de travailler sur le contexte artistique et les diverses interactions qu’a pu avoir Sander avec les membres de notre famille, ses amis ou encore d’autres artistes. Nous possédons, notamment, des piles de lettres, des tonnes de documents et des notes personnelles qui aident à mieux comprendre son travail. Nous savons par exemple que lorsqu’il travaillait sur Hommes du XXe siècle dans les années 50, il écrivait beaucoup à son fils et à sa fille. Ces éléments permettent de mieux comprendre les photographies prises à l’époque.
MDLP : Que pouvons-nous retenir de son œuvre ?
J S : Sander s’est mis en retrait de ses photographies. C’est un point de repère dans son travail. Lorsqu’on regarde ses images, ce qu’on voit avant tout c’est la représentation d’une personne et non l’égo d’un photographe. C’est important, car la plupart des photographies modernes, particulièrement à l’ère des selfies et des réseaux sociaux, sont très égocentrés. Tout le contraire de ce que faisait Sander. C’est la raison pour laquelle je pense que son travail est toujours aussi intéressant et qu’il continue d’inspirer les jeunes photographes.
Le site de Paris Photo
Le site de la galerie Julian Sander
Le site de la Galerie Hauser & Wirth
crédit image d’accueil : August Sander
Handlanger
(Bricklayer)
1928 (printed 1960)
Gelatin silver print
39.8 x 30 cm / 15 5/8 x 11 3/4 in
© Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur - August Sander Archive, Cologne / DACS, London, 2019