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Nikkor AF-S 500 mm f/5,6E PF ED VR : lentille de Fresnel, kezako ?

Materiel
14/06/2018 | Jean-Marie Sépulchre

Après le 300 mm f/4E PF ED VR, sorti il y a trois ans (schéma ci-dessus), Nikon planche sur un autre téléobjectif pourvu d’une lentille de Fresnel. Focus sur cette technologie, qui permet de réduire considérablement le poids d’une optique.

Pas de caractéristiques précises, ni date de commercialisation, ou prix pour l’instant. Nous savons juste que ce 500 mm f/5,6E PF ED VR, doté d’une lentille de Fresnel, sera bien compatible avec les reflex FX de la marque. Nous avons consacré un dossier conséquent à ce système (lire MDLP 75), lors de la sortie du Nikkor 300 mm f/4E PF ED VR, au premier trimestre 2015. Nous le publions ici, en attendant d’en savoir plus sur le futur téléobjectif Nikkor. Nikon a d’ailleurs déposé des brevets pour trois modèles à lentille de Fresnel : 400 mm f/5,6 ; 500 mm f/5,6 et 600 mm f/5,6.

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Système de Fresnel pour phares maritimes. Photo : Wikipedia commons

C’est en 1819 qu’Augustin Fresnel étudie un système permettant d’améliorer la portée des phares maritimes. Il reprend un principe posé en 1748 par Buffon pour une loupe : il s’agit de construire une lentille constituée de plusieurs échelons de verre disposés de façon concentrique et décalée, au lieu d’un verre d’une seule pièce. Ce système très efficace est adopté et l’invention est déclinée pour de multiples applications, notamment au cours du XXe siècle pour des phares d’automobile, des projecteurs pour le cinéma, ou des verres de visée pour appareils photo : dans tous ces cas, une seule lentille est utilisée, comportant la gravure de cercles concentriques décalés pour former un léger relief. Ces lentilles sont de types convergents et permettent de concentrer la lumière.

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Schéma d’une lentille DO. Document : Canon)

C’est à partir de ces premiers développements que les ingénieurs en optique, notamment chez Canon dans les années 1990, ont l’idée d’utiliser ce type de gravure concentrique pour concentrer plus les rayons lumineux dans l’objectif par rapport aux lentilles réfractives conventionnelles, mais la réalisation est plus complexe qu’une gravure de verre de visée. En fait les verres utilisés actuellement peuvent présenter deux couches de gravure, tels les Canon DO (lentilles diffringentes multicouche), les premiers modèles étant très coûteux, car usinés directement dans le verre. Voici une explication détaillée fournie par Canon : « Alors qu’un moule à lentille classique comporte une surface meulée côté lentille, un moule à réseau de diffraction nécessite un motif convexe-concave rendant le meulage hors de question. Pour résoudre ce problème, est mis au point un outil de micro-usinage 3D à ultra-haute précision, contrôlable à quelques nanomètres près, permettant d’obtenir une surface de lentille par découpe uniquement, sans meulage ni polissage. Élément essentiel de la conception, une technologie innovante de positionnement ultra-précis au micromètre près permet de relier les lentilles diffringentes est utilisée. Le développement du système de production en série a pris cinq ans. » Le premier objectif Canon utilisant cette technique, un 400 mm f/4, est commercialisé en 2001 (–26 % en longueur et –36 % en poids), suivi du premier zoom DO 70-300 mm en 2004.

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Schéma de principe du montage optique permettant une concentration de la lumière dans une formule plus compacte sans aberration chromatique. Document : Nikon

Nikon développe un principe comparable avec les lentilles « Phase Fresnel » dont la première apparition sur le marché date de 2004. Il s’agit alors d’un convertisseur optique destiné à multiplier par trois la focale du Coolpix 8400, de dimensions et d’un poids plus réduit de 30 % par rapport à un modèle classique. Nikon annonce à l’époque innover avec un nouveau design qui permet une baisse des prix grâce à une production plus efficace de masse : « Sur la base de la lentille de Phase Fresnel - une lentille qui semble avoir une série de cercles concentriques gravés qui a une surface en dents de scie en coupe transversale - est assemblée à une autre lentille à base de résine de haute qualité, la précision est optimisée grâce à l’élimination de tout espace d’air, l’alignement parfait est maintenu en raison de la liaison des deux éléments. » Il a quand même fallu 10 ans pour passer de ce convertisseur qui a connu une diffusion confidentielle à la présentation du tout nouveau 300 mm f/4 compact.

Soigner le mal par le mal

Un objectif forme une image sur un plan, en utilisant le phénomène photoréfractif. Le degré de réfraction de la lumière varie en fonction de la couleur (longueur d’onde), et la formation d’image est effectuée dans l’ordre de bleu (B), vert (G) et rouge (R) en commençant par la partie près de l’objectif. L’écart de couleur dénommée aberration chromatique induit une détérioration des images, d’où l’utilisation de formules complexes et de verres spéciaux à faible dispersion pour limiter au maximum cet inconvénient. Avec une lentille PF (Phase Fresnel) par contre, la formation de l’image est effectuée dans l’ordre inverse : rouge (R), vert (G) et bleu (B), en commençant par la partie près de l’objectif (voir le schéma Nikon ci-dessous). En combinant la lentille PF (Phase Fresnel) avec une lentille réfractive, l’aberration chromatique peut être efficacement compensée puisque les deux défauts s’annulent.

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Portrait avec le 300 mm PF, 1/500s f/4. Photo : Jean-Marie Sepulchre

On a donc volontairement créé un défaut avec la lentille PF pour la combiner avec un groupe optique plus compact, mais générant plus d’aberrations chromatiques qu’une formule classique. Canon diffuse un schéma identique pour expliquer le rôle des lentilles DO…
Aujourd’hui, seuls trois modèles d’objectifs comportant ce type de formule optique sont commercialisés : l’ancien zoom Canon 70-300 mm DO lancé en 2004, qui offre des performances assez limitées sur les capteurs numériques actuels, mais présente une grande compacité ; la nouvelle version du 400 mm f/4 et le Nikkor 300 mm f/4, un vrai poids plume pour une telle focale.

Les avantages de cette technologie

La généralisation des lentilles DO et PF ouvre de grandes perspectives pour la réalisation de nouveaux objectifs beaucoup plus légers et compacts. Un retour en arrière sur les trente dernières années montre que le plus souvent l’augmentation de la qualité optique des objectifs interchangeables, incontestable en ce qui concerne les zooms, s’est accompagnée d’une sérieuse prise d’embonpoint. Le nombre de lentilles a connu une hausse généralisée, même pour des formules qui semblaient simples – un cas typique est le Micro Nikkor Ais 55 mm f/2,8 à six lentilles, aujourd’hui remplacé par un 60 mm AFS à douze lentilles. Sans pour autant que les mesures ne montrent un piqué supérieur au modèle actuel sur un capteur de 36 Mpxl. Certes, beaucoup d’objectifs intègrent aujourd’hui un moteur de mise au point et un système de stabilisation, mais le défi pour les constructeurs est de produire des objectifs répondant aux critères d’aujourd’hui en matière de protection contre l’humidité, d’autofocus et de réduction des vibrations, sans pour autant devenir difficiles à manier ou imposer un monopode, ce qui est fréquent en matière de téléobjectifs.

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Brume et givre le 300 mm PF à f/5,6. Photo : Jean-Marie Sepulchre

De ce point de vue, le Canon 400 mm DO ne peut entièrement convaincre. Même s’il ne pèse que 2 100 g contre 3 850 g pour le 400 mm f/2,8 ; il reste imposant et la marque propose aussi un 400 mm f/5,6 à 1 250 g, qui combiné au bon rendement en hauts Iso d’un EOS 6D peut offrir un choix attractif. En ce qui concerne le gain de poids et de taille pour un téléobjectif à focale fixe, Nikon est donc le recordman, avec 755 g contre 1 440 g pour la version classique et non stabilisée, mais il est vrai que la nouvelle version ne propose le support de pied qu’en option. Le nouveau modèle étant visiblement conçu pour être utilisé à main levée. Rien à voir de toute façon avec le modèle à f/2,8 qui pèse 2 900 g. Avec le 300 mm PF Nikon se rapproche en réalité du gabarit des téléobjectifs à miroir, le 500 mm f/8 de la marque qui pesait 840 g ; avec certes un grossissement plus grand, mais son ouverture fixe est quatre fois moins lumineuse et sa mise au point manuelle pas toujours aisée. Aujourd’hui, parmi les 300 mm commercialisés, seul le Samyang f/6,3 doté d’une technologie à miroir à ouverture fixe et mise au point manuelle est plus léger que le Nikkor 300 mm PF. Le modèle du constructeur sud-coréen ne pèse que 318 g.
Reste à transformer le coup d’essai en coup de maître en multipliant les versions à lentille Phase Fresnel. De préférence dans les gammes expert, car prendre la même voie que Canon avec 400 mm f/4 au même prix qu’un 300 mm f/2,8 avec convertisseur x1,4 ne peut toucher qu’une clientèle restreinte qui cherche à tout prix un gain en légèreté.

Inconvénients sur les produits actuels 

Dès le lancement par Canon des premiers objectifs DO, deux types de défauts avaient été relevés par les critiques : la lentille diffractive induisait un manque de contraste et de piqué, et parfois des reflets parasites. De ce point de vue, le zoom Canon en vente depuis 10 ans offre un piqué à 300 mm qui ne dépasse pas le grade « bon » et encore seulement au centre de l’image, alors que le rendement du classique modèle L est très bon voire excellent selon le diaphragme. En pratique ce zoom DO ne donne satisfaction que jusqu’à 200 mm environ, alors que son prix dépasse nettement les 1 200 € et on peut espérer rapidement une nouvelle version au goût du jour.
Le 400 mm par contre manquait surtout de constraste dans sa première formule, mais la nouvelle version est tout à fait au niveau des excellentes performances des « grands blancs » de construction classique. Nos mesures montrent un rendement de très haut niveau sur le 5D Mark III, et un peu moins de piqué sur le 7D Mark II, dont le capteur est plus exigeant et l’image de base un peu moins accentuée. Sur ce petit capteur, permettant un cadrage équivalent à 640 mm en 24 x 36, cet objectif sera une aubaine en chasse photo, couplé à la cadence très rapide du boîtier, mais le budget est quand même très élevé.
Bien que nous le jugeons quand même un peu cher dans notre test le Nikkor est évidemment beaucoup plus abordable, et couplé au mode de recadrage des reflex APS-C, il permet quand même d’accéder à un équivalent 600 mm f/4 en conservant près de 16 Mpxl… pour un budget cinq fois moins élevé que celui du D4s de définition équivalente, couplé au classique 600 mm f/4. Nous avons aussi testé le 300 mm PF sur notre D810 de 36 Mpxl, et au prix d’une remontée d’un cran de la netteté nous avons obtenu des performances excellentes, du niveau de l’ancien 300 mm AF-S, mais un peu moins tranchées que celles du 300 mm f/2,8. Sur le D7100, on constate le même phénomène que chez Canon, le piqué est un peu moins élevé que sur le plein format, mais nous sommes là dans la nuance, avec des performances un peu moins bonnes que le classique AF-S à f/4 (moins de contraste), équivalentes à f/5,6 mais meilleures aux ouvertures de f/8 à f/16.
Nikon a indiqué que la formule PF induisait des risques de reflets parasites avec des lumières dans le champ. On sera attentif au phénomène et en cas de doute une vérification sur l’écran arrière pendant les prises de vues sera bienvenue.

Un 300 mm compact, le bon choix ?

Alors que le Canon 400 mm modifie peu le comportement du photographe, car s’il gagne 300 g sur le 300 f/2,8 de la marque il est presque aussi encombrant, utiliser le 300 mm f/4 PF Nikkor, notamment sur un boîtier léger comme un D750 ou un Df invite à reconsidérer son approche des longues focales. Certes, le Nikkor « démocratique » 70-300 mm f/4,5-5,6 a un poids équivalent pour un prix bien plus doux, mais ils s’allonge avec la focale et n’offre pas à 300 mm le rendement espéré sur un capteur de haute définition. Par contre le 300 mm PF fait redécouvrir des usages un peu oubliés de la longue focale, comme la prise de vue rapprochée, voire le portrait. En effet, comme pour le précédent modèle f/4 AFS la mise au point minimale descend à 1,4 m alors qu’elle est à 2,3 m sur le modèle ouvrant à f/2,8. Ce dernier offrira par contre un piqué supérieur aux grandes ouvertures, pour un prix et un poids trois fois supérieur. Il garde un avantage pour la photo de sport en faible lumière, par contre les fans de sport mécanique qui font des prises de vue en filé en plein jour oublient vite qu’ils possèdent un f/2,8. Aux vitesses lentes il faut fermer le diaphragme ou mettre un filtre ND et à f/11 on ne verra pas de différence de qualité entre le petit et le gros 300 mm.

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Cadrage DX correspondant à une focale de 450 mm, 1/800s f/4. Photo : Jean-Marie Sepulchre

Dans les années 1990 on a connu la tendance de la photo de mode en longue focale, le 300 mm f/2,8 permettant de prendre de la distance avec le modèle tout en garantissant des fonds flous avec des plans assez compressés, mais la réputation donnée aux paparazzi incite à la méfiance avant de sortir le grand tromblon en zone urbaine, en dehors des séances avec assistants et gardes du corps. A contrario le 300 mm f/4 PF permet de réaliser sans attirer l’attention ce type de prises de vue, à pleine ouverture l’image est fine, mais assez douce et le bokeh est bien fondu à l’arrière et à 1,40 m la profondeur de champ n’est plus plus importante qu’avec un 300 mm f/2,8 à 2,30 m. Voire même qu’un 135 mm f/2 à 1 mètre !
Un autre domaine de prise de vue où ce 300 mm PF pourra être de sortie est le paysage. Le fait que l’objectif tienne dans un coin du sac fait que l’on sera plus tenté de l’emmener en promenade : on peut parfaitement envisager de sortir avec un 24-120 mm comme objectif passe-partout, et d’utiliser le 300 mm pour des gros plans saisissants ou des détails lointains. C’est à f/5,6 ou f/8 que les détails seront les plus fins tout en conservant des flous bien dégradés en avant plan ou en arrière-plan.

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