Nous avons pu passer quelques heures avec le Sony A9, et prendre le pouls de ce boîtier événement, qui entend tenir la dragée haute aux Canon EOS-1D X Mark II et Nikon D5. Nos premières impressions.
Pour le reportage de choc en matière sportive ou animalière, cela fait une bonne dizaine d’années que vivait en 24 × 36 le duopole Canon / Nikon avec les déclinaisons de l’EOS-1D à 1D X Mark II pour l’un et de D3 à D5 pour l’autre. Avec aujourd’hui des caractéristiques proches – 20 Mpxl, 12 à 14 images secondes, vidéo 4K et hauts ISO utilisables sans difficulté en reportage – et une construction exemplaire de reflex monobloc intégrant une grosse batterie et le système autofocus le plus sophistiqué de la gamme, le tout pour un tarif supérieur à 6 000 € boîtier nu. Le Sony A9 les attaque frontalement avec un hybride qui a pour ambition d’être plus performant que les meilleurs reflex, en proposant une cadence de 20 images secondes en autofocus continu avec une couverture AF sur la plus grande partie du champ (693 points), un obturateur électronique montant à 1/32000s contre 1/8000s chez les concurrents et un capteur stabilisé. Le tout pour des dimensions équivalentes à celles des séries A7 et une masse de 673 g alors qu’il est protégé contre poussière et humidité… un Nikon D5 pèse le double. Après la présentation effectuée en avril), nous avons pu faire une prise en main de terrain, en attendant un nouveau test au bord des pelouses de rugby et nous l’espérons aux 24 heures du Mans pour tester la capacité de l’appareil en rafale et photos de nuit !
La prise en main est familière quand on connaît bien la série A7, mais il y a quand même quelque chose en plus…qui répond aux critiques justifiées sur l’ergonomie de la série d’origine : l’A9 accueille enfin des commandes directes pour régler l’autofocus et la cadence de tir sous forme d’une double molette avec verrou de sécurité à gauche du viseur. Il reste juste à doter d’un verrou la commande de correction d’exposition. La taille d’image dans le viseur ne change pas mais le nouveau viseur électronique présente une définition supérieure (3,7 Mpts contre 2,4). On note un défaut commun à la plupart des EVF, une image trop contrastée par grand soleil, on peut régler la luminosité mais un réglage de contraste serait également utile. L’écran arrière affiche 1,4 Mpts. Deux ports de cartes sont désormais disponibles (SD et mixte SD/MS), on peut s’étonner du fait que Sony, promoteur des cartes ultra rapides XQD n’en n’ait pas doté son vaisseau amiral. On remarque aussi que la batterie a changé pour un nouveau modèle, une poignée en option permet de travailler avec deux batteries. La capacité avancée par Sony est faible (480 photos par charge) et pourtant au cours de notre test de prise de vue en rafales après 1300 vues il restait encore 51% de charge. On peut supposer que la consommation est beaucoup plus forte en vue par vue quand on prend son temps pour le cadrage puis la visualisation de l’image qu’en rafale où le viseur électronique est sollicité moins longtemps…une seconde pour une vingtaine d’images contre deux à trois secondes par image en vue par vue tranquille.
Notre prise en main a été assez brève et en un lieu plus touristique que sportif, mais l’essentiel pour nous a été de vérifier si les promesses de l’autofocus semblaient tenues : plusieurs tests ont été faits avec des canots à moteur se rapprochant ou s’éloignant du photographe, en utilisant un zoom 70-200 mm f/2,8 calé à pleine ouverture à la focale de 200 mm. Sur une séquence de 10 secondes d’un bateau se rapprochant du photographe, nous avons compté 184 images enregistrées sur une carte Sony SDHC 1 à 90 MB soit une moyenne de 18,4 i/s. En examen 100 % écran nous avons constaté que 6 images étaient floues et 9 présentaient un léger front focus, toutes les autres étaient impeccables soit un taux de réussite de 92%. Sur une séquence de 5 secondes d’un bateau s’éloignant du quai tout en amorçant un virage, même cadence de 18,4 i/s et 6 images floues, 6 d’une netteté juste moyenne (apte au tirage A4). Enfin sur un suivi latéral de type filé (mais à vitesse d’obturation élevée) l’autofocus travaillait moins car le sujet variait peu de distance, une cadence de 19,4 i/s a été constatée sur 136 photos.
Canon et Nikon ont poussé très haut l’ambition en hauts ISO sur leurs vaisseaux amiraux alors que Sony s’est limité à 51 200 ISO (avec une possibilité de « dopage » jusqu’à 204 800 ISO)… On ne cherche pas encore les 3 million d’ISO. Nous avons essayé l’appareil en intérieur entre 3 200 et 51 200 ISO, en Jpeg et en Raw traité dans Ligthroom CC. Avec une lumière correcte sans être très abondante (1/60s f/5,6 à 3 200 ISO) le rendu en Jpeg est encore excellent à 6 400 ISO et bon à 12 800 ISO, avec une perte de détails fins et un obscurcissement des couleurs. Il vaut mieux passer en traitement du Raw à partir de 12 800 ISO et a fortiori à 25 600 ISO, alors que l’image n’est pas bonne à 51 200 ISO même en Raw, elle passerait néanmoins en usage presse.
Nous avons doublé cet essai avec une prise de vue plus sévère, avec un sujet plus sombre et à l’ombre en intérieur : un lit à baldaquin de couleur rouge sombe se trouve dans une alcôve alors qu’à droite de la scène un tableau assez clair est sur le mur blanc. Dans ces conditions, le traitement des Jpeg dans le boîtier montre ses limites, la texture du velours du baldaquin s’estompe fortement en montant en ISO, le traitement du Raw sous LR garde le relief du tissus mais le grain devient plus présent.
Pour un usage pro un boîtier doit disposer d’une vaste gamme d’objectifs dédiés à la plupart des usages. Si les gammes très fournies de Canon et Nikon peuvent être complétées par une offre abondante de compatibles de haute qualité – Sigma Art, Tamron SP, Zeiss par exemple – ce n’est pas encore le cas des Sony E, la marque faisant des efforts pour faire vivre deux montures différentes selon la catégorie du boîtier : à miroir fixe, ou sans miroir. Certes, les objectifs A destinés à l’origine aux reflex peuvent se monter sur l’A9 avec un adaptateur LA-E3 mais la vitesse descendra alors à 10 images seconde… moins bien que sur l’A99 II ! Si l’A9 veut vraiment se faire une belle place en photo de sport mécanique et d’animalier il faut moderniser les incontournables 300 mm f/2,8 et 500 mm f/4 qui n’existent qu’en monture Sony A, c’est là un handicap incontestable par rapport à Canon et Nikon qui proposent des fixes de 300 mm, 400 mm, 500 mm, 600 mm et 800 mm. Une autre faiblesse peut être notée en matière de grands angles ultra lumineux et d’objectifs macro en longue focale, mais des solutions alternatives avec des bagues d’adaptation peuvent être imaginées. En matière de zooms de base en revanche la gamme est bien fournie, et certaines optiques dont nous avons critiqué lors de nos essais la netteté « limite » avec le capteur 42 Mpxl de l’A7 R II passeront toutes très bien avec la définition plus raisonnable de 24 Mpxl de l’A9.
L’annonce des nouveaux zooms 12-24 mm f/4 et 16-35 mm f/2,8 est une bonne nouvelle pour le reportage rapproché…attendons désormais quelques grands tromblons !