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Vincent Perez : « Le négatif me manquait, dans ce monde virtuel »

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11/03/2019 | Benjamin Favier

Avant d’être acteur et réalisateur, Vincent Perez était photographe. S’il poursuit sa carrière sur grand écran, il est revenu à ses premières amours, en commettant notamment le très beau livre Un voyage en Russie (éditions Delpire). Il fait partie du jury du concours, organisé à l’occasion du Vincennes Images Festival (dont MDLP est partenaire), qui se déroulera du 24 au 26 mai prochain. L’occasion de parler d’images avec ce passionné de photographie.

- En tant que membre du jury, qu’attendez-vous de l’édition 2019 du VIF ? Que représente la photographie amateur, pour vous ?

Ce sera l’occasion de rencontrer des gens. De partager, sur cette passion que nous avons tous en commun. De découvrir de nouveaux talents, jeunes ou plus âgés. D’avoir une réflexion sur la photographie aujourd’hui, en 2019, sur les tendances. C’est toujours enrichissant de regarder le travail de photographes amateurs, dont je fais moi-même partie. J’en profiterai peut-être pour montrer un travail personnel plus récent. Je suis assez curieux de voir comment les gens pourraient réagir.

- Quel regard portez-vous sur la pratique photographique, en 2019 ?

Nous sommes abreuvés d’images, ce qui provoque une sorte de banalisation. Je possède un compte Instagram, sur lequel je poste quelques photos. Mais je fais attention à cette addiction au numérique. Je me pose beaucoup de questions par rapport à ça. Je m’efforce de revenir aux fondamentaux de la photographie. Prendre une photo et pas trente-six mille pendant une séance. Sentir ce moment, cette inquiétude latente, de ce qui se crée dans l’image. Le travail autour du tirage à l’ancienne revêt une importance cruciale à mes yeux.

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Vincent Perez sera membre du jury du VIF 2019, présidé par Lee Jeffries. Photo : Benjamin Favier

- Avant d’être acteur et réalisateur, vous étiez photographe…

Au départ, j’ai effectué une formation en tant que photographe. J’ai travaillé dans un labo pendant deux ans en tant qu’assistant. Je développais les négatifs dans la chambre noire, en faisant des retouches à la main, au crayon sur grand format. Puis avec le pinceau pour nettoyer des poussières. Je viens de là. J’ai eu ce besoin de m’éloigner du numérique pour retrouver des sensations. À la loupe. À la planche contact. Le négatif me manquait, dans ce monde virtuel. Cela fait écho à une sensation que j’éprouve au cinéma. Aujourd’hui, on ne tourne pratiquement plus au 35 mm. Quand on entend la pellicule se dérouler à l’intérieur de la caméra ou du boîtier, on a l’impression que l’instant est sacré. Le rapport au temps est également différent. Une photo s’imprime sur le négatif. Il y a un processus chimique qui s’opère. Puis on va au labo pour voir ce qu’il en est. C’est un processus qui me touche. J’adore aussi utiliser mon appareil moyen format numérique. Mais j’ai besoin de retourner à la base.

- Par quel prisme aborderiez-vous « Homo Sapiens 2019 », thématique du concours du VIF 2019, en tant que photographe ?

Probablement le portrait, car je me considère comme un portraitiste. Néanmoins, il ne faut pas se limiter à ce domaine pour aborder cette thématique. Je laisse le soin aux participants de nous surprendre. J’ai hâte de voir ce que ça va inspirer, auprès des photographes.

- Quels photographes vous ont influencé ?

Je voue une grande passion au travail d’Irving Penn. Cela devrait être flagrant sur ma prochaine série de photos, où j’ai voulu retrouver ces sensations de lumière naturelle. J’ai essayé de reformer une sorte d’atelier dans lequel j’amène des personnages, un peu particuliers. J’aime bien quand la photographie interroge. Quand elle bouscule parfois. Quand il y a un moment unique qui est créé. Contrairement à mes derniers travaux, ce sont des œuvres menées « en partenariat » avec mes sujets. On construit quelque chose ensemble autour d’un échange, alors que mes photographies sur la Russie étaient le fruit de rencontres lors d’un voyage. Dans mon dernier travail, on crée tous l’ensemble : le casting des gens, le modelage de l’image. J’ai le sentiment de retrouver des impressions d’artiste en étant dans mon atelier, j’essaie de voir des attitudes physiques, de jouer avec les corps, pour créer un instant.

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Vincent Perez avec Jeff Ropars, président du Vincennes Images Festival. Photo : Benjamin Favier

- En quoi votre expérience en tant qu’acteur et réalisateur vous est-elle utile, pour réaliser des portraits ?

C’est plutôt mon travail de réalisateur, quand je dirige des acteurs, qui rentre en ligne de compte. Là, il s’agit d’entrer en contact, d’établir un lien entre le sujet et le photographe. C’est une manière, petit à petit, d’essayer de m’approcher au plus près de l’individu. Souvent, avant de presser le déclencheur, je dis : « Ne montrez rien. N’exprimez rien. » Le sujet se demande alors ce que ça signifie. Le masque tombe, il y a quelque chose de vrai qui transparaît. C’est à ce moment-là que je prends la photo. Il y a un peu de cela, dans la direction d’acteur. Quand un acteur fabrique trop, cela devient plat, inintéressant. Et parfois, dans une prise, il y a un moment de vérité. Devant la table de montage, c’est cela que l’on va retenir.
L’autre jour, une amie voulait que je la photographie. Elle est venue à la maison, nous avons fait une série de portraits. Elle est tout de suite rentrée dans des poses. Elle était rassurée d’être en contrôle de l’image qu’elle donnait.
Moi, ça ne m’intéresse pas. C’est quelque chose que tout le monde peut faire. Je m’efforce de créer un rapport intime où quelque chose de pur, d’humain, se dégage de la photographie. La dépasse.
À Paris Photo, souvent, je ne ressens pas ce pincement, alors que de très grands photographes sont à l’honneur. Je trouve que les photographies sont trop trafiquées. Dans ces conditions-là, parmi tous les exposants, les galeries, j’ai le réflexe d’aller vers les images les plus pures, les plus simples possibles.

- Vous avez déclaré, dans un entretien à Allo Ciné, que certains films vieillissent mal. Pas les photographies ?

Il y a des films qui vieillissent mal. On les revoit quelques années plus tard et ils ont pris un sacré coup de vieux, alors qu’ils étaient branchés lors de leur sortie. Je pense qu’en photographie, n’importe quelle photo vieillit bien. Quand on regarde, quelques années plus tard, des photos que l’on considérait loupées, il y a toujours quelque chose d’intéressant qui s’en dégage.

- La question de l’identité semble très présente dans votre œuvre…

C’est une sorte de fil rouge. Finalement, la seule chose qui m’intéresse en photographie, et dans une œuvre, c’est l’identité de l’artiste. Le regard qu’il porte sur le monde. J’ai beau essayer de m’éloigner de cette thématique, elle revient toujours. Elle est inscrite dans mon ADN.

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Un voyage en Russie, éditions Robert Delpire, Par Vincent Perez (photographies) et Olivier Rolin (textes), 24,5 29,5 cm, 208 pages, 49 €

- Votre premier livre retrace plusieurs voyages effectués en Russie. Que représente cette œuvre, dans votre parcours photographique ?

Cela a été une expérience forte. Le fait d’être mis au défi, sur une œuvre qui reste. Un voyage en Russie est mon premier livre, un beau livre, aux éditions Delpire. C’est angoissant, quand on le fait. J’ai une longue histoire avec la Russie. J’y suis allé pour la première fois en 1995, pour un tournage, quelques années après la Perestroika. C’était Chicago dans les années 30. Une ville « folle ». Depuis, les choses se sont organisées et j’entretiens un rapport profond avec ce sujet. Certains Russes ont changé ma vie. La lecture des livres de Tchekhov ou Konstantin Stanislavski, sur la construction d’un personnage et le jeu d’acteur, quand j’étais adolescent, m’a vraiment incité à quitter la photographie pour m’avancer dans le métier d’acteur. Depuis, je suis retourné en Russie à de nombreuses reprises. Mes premières expositions ont eu lieu là-bas, à Moscou, à Vladivostok. Je suis touché par l’hospitalité dès que l’on se rend dans un village et la dimension humaine de la culture russe. On parle vrai. On n’est pas dans le formatage. On essaie de se comprendre, de se connaître. Il y a un côté terre vierge encore, empreint d’une forte identité. 

- Voir l’entretien en vidéo sur le site de VIF

- Participez au concours du VIF 2019

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