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11/09 : dix ans de témoignage en images

26/09/2011 | Benjamin Favier

Le titre n’a rien d’original. Pourtant, le travail de Jean-Michel Turpin, photographe freelance, mérite que l’on s’y attarde. Trois jours après l’effondrement des Twin Towers et les dix années qui ont suivi, il s’est efforcé de photographier le quotidien des New-yorkais. Un formidable travail documentaire.

Dès le 14 septembre 2001, Jean-Michel Turpin, arpente les rues de la Grosse Pomme. Mais il reste à l’écart des décombres. Il concentre son regard sur le quotidien des New-yorkais. « Je décide donc que je n’irai pas à Ground Zero : je ne veux pas rajouter des images de ruines à toutes celles qui inondent les magazines. Je préfère rester près des New-yorkais, être témoin de leurs souffrance, partager cette tragédie avec eux et tenter de comprendre comment ils appréhendent ce désastre que la planète a suivi en direct.  » Bien sûr, il ne réinvente pas l’histoire. Son travail ne révolutionne en rien la vision que l’on peut avoir de l’événement. On retrouve un chapitre consacré aux « héros », ces milliers de pompiers qui ont bravé les épais nuages de cendres jours et nuits, ou ces centaines d’avis de recherche illustrés placardés dans toute la ville. Sans oublier le déferlement, plus intense que jamais, des drapeaux étoilés. Mais tout cela, Jean-Michel Turpin parvient à le montrer avec une approche et un souci de la composition qui tranchent avec les cadrages nerveux des images, fixes ou animées, qui ont inondé journaux et écrans.

Texte et photo

Il serait dommage de passer à côté des nombreux textes et légendes qui jalonnent cet ouvrage. D’abord parce qu’ils sont de qualité. L’ancien membre de l’agence Gamma manie la plume aussi habillement que son boîtier. On comprend alors mieux cette photo montrant un passant, immobile, dans son costume impeccable, une serviette à la main, scrutant le ciel, l’air inquiet : on est très loin des images de paniques prises au moment de l’attentat. À travers ce cliché, Turpin restitue l’angoisse des habitants au moment de la réouverture de l’espace aérien. Les champs/contre-champs qui mettent en scène le discours de Georges W. Bush au Congrès américain retransmis sur un écran à Times Square et les spectateurs, qui scrutent les écrans géants, sont également saisissants. Des scènes comme on en voit dans tout film catastrophe hollywoodien. Mais le noir et blanc exclue tout rapprochement avec une fiction. Le photographe réserve la couleur aux « années d’après », qui occupent les trente dernières pages du livre. Jean-Michel Turpin a effectué plusieurs voyages à New York au cours des dix dernières années. Comme le photographe, Jean-Christophe Rufin juge la mort de Ben Laden comme la fin d’une ère, dans sa préface : « La disparition de Ben Laden clôt le travail de deuil et permet de tourner véritablement la page. L’oubli, impossible tant que justice n’était pas faite, peut commencer son œuvre. » L’écrivain, membre de l’Académie française, souligne l’importance de tels ouvrages, construits sur la durée : « Oubli, simplification, négationnisme, aucune tragédie humaine n’est à l’abri de cette corruption du temps. Contre la déformation mémorielle, l’atrophie du souvenir, la morne routine des commémorations, il n’existe qu’un seul remède : l’image. »

- 11 septembre New York
- Par Jean-Michel Turpin
- Éditions de La Martinière
- 160 pages
- 29,90 €

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