Tout savoir pour réaliser, optimiser et diffuser ses photos

Nikon

8.Esprit critique

technique
03/02/2010 | LAURENT KATZ

Hors la loi !

« Si l’objectif n’est pas une manipulation, pourquoi cela poserait problème de préciser quand une photo est retouchée ? ». Valérie Boyer

Tout cela n’a guère de sens. D’ailleurs, ce que dévoile ce projet de loi est que les réponses ne se trouvent pas toujours dans la ligne de mire du législateur. Comment proférer à tout va « Le tabac tue » à « Mangez cinq fruits et légumes par jour », pour prémunir sans arrêt le citoyen des inconvénients de la vie, alors que d’un autre côté toute la société est organisée pour susciter les comportements que les propos moralisateurs sont censés dénoncer ? Comment traiter les personnes hors norme, qu’il s’agisse de feu Lolo Ferrari, caricature outrancière des déviances de la chirurgie esthétique, de la plasticienne Orlan adepte du Body Art ou du mannequin Twiggy en rupture avec une certaine image de la femme ? Chacune, à sa manière, a véhiculé une idée du corps féminin. Sans retouche informatique, mais toujours pour susciter des envies et des rejets.

La députée, vu l’ampleur des réactions, élargit son propos. « Les Français ont le droit de savoir si une photo est retouchée ou pas ». Louable intention. Mais que dirait-elle si des instances indépendantes se mêlaient de placer des mentions sur les outils de communication des partis politiques ? Pour contrebalancer des argumentaires contestables. Laissons plutôt aux contre-pouvoirs jouer leur rôle éducatif : la famille et les proches, les associations... et ceux qui pratiquent le journalisme plus intelligemment que d’autres.

L’aspect manipulatoire étant l’objet de la dénonciation, on n’en finirait, pas si l’on voulait aller au bout de la démarche, de trouver d’autres raisons pour avertir le lecteur. Pourquoi l’aspect corporel seulement ? Et pourquoi se limiter à la retouche informatique et ne pas mentionner « image corporelle retouchée par ordinateur, maquillage et chirurgie esthétique. ». Inversement, comme certains veulent imposer la retouche pour respecter les normes du moment, faudrait-il alors ajouter « photo retouchée ? » en d’autres circonstances ! Par exemple si la fumée sur l’affiche du film Gainsbourg (vie héroïque) avait été supprimée ? Et puis, du simple point de vue de la cohérence, il faudrait y intégrer les magazines étrangers, le Web, les films. Mission impossible.

La photo est déjà une interprétation de la réalité, que le simple usage du grand-angle transforme ou qu’une séance de studio met en scène. Faudra-t-il placer les données Exif dans un coin ? Et quid de la carnation, d’un simple changement de la couleur des yeux, de l’élimination d’une mèche rebelle, etc. Qu’est-ce qui indique ce qui est acceptable ou pas dans la modification numérique de « l’apparence corporelle ? ». Qui le décide ? Et si le mannequin lui-même est maigre ou fin ? Et si des revues peu scrupuleuses font poser des anorexiques ? Quid d’une représentation qui ne relève pas de la photo : dessin, peinture hyperréaliste… et même 3D. Rien de plus facile que de créer de toutes pièces un modèle virtuel avec un visage célèbre. Il n’y aura pas de retouche. Allez donc reprocher à une pure création de ne pas être le reflet exact de la réalité !

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