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Adaptation d’objectifs : de l’importance des capteurs

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10/07/2014 | Franck Mée

Dès l’apparition des appareils numériques, les utilisateurs se sont aperçus que certains objectifs argentiques perdaient leurs performances en numérique, alors que d’autres restaient excellents. Depuis, des phénomènes analogues ont été notés en adaptant des objectifs d’une marque sur des appareils d’une autre. Plusieurs phénomènes interviennent, mais l’un d’eux est souvent oublié : l’épaisseur des éléments qui recouvrent le capteur.

Pourquoi certains objectifs conservent-ils d’excellentes performances lorsqu’on les utilise avec un appareil pour lequel ils n’ont pas été prévus, alors que d’autres voient leur homogénéité s’effondrer ? L’angle d’arrivée des rayons vient à l’esprit : les capteurs numériques sont plus efficaces avec des objectifs envoyant leurs rayons grosso modo à la perpendiculaire qu’avec ceux les projetant avec une grande inclinaison. Mais ce n’est pas le seul élément.

Nous vous avons déjà parlé de Roger Cicala, fondateur de la société Lensrentals, qui aime bien démystifier les idées reçues, par exemple en montrant que les objectifs professionnels ont souvent une monture en plastique ou que les zooms haut de gamme ne sont pas les objectifs les plus fiables. Ces dernières semaines, il s’est beaucoup penché sur le cas d’un élément souvent oublié : les filtres qui recouvrent le capteur.

Quelques millimètres de verre

Un capteur numérique est généralement recouvert de différentes couches de matériaux plus ou moins transparents : micro-lentilles, filtre infrarouge, filtre passe-bas, voire simple glace protectrice pour limiter les risques de rayures.

L’épaisseur totale de ces éléments est variable. La moyenne est autour de deux millimètres, mais le Leica M8 est connu pour ses filtres particulièrement fins : pas de passe-bas, un infrarouge réduit à sa plus simple expression… Cette finesse permettait de limiter l’impact de l’angle d’arrivée des rayons des grands-angles, mais rapprochait aussi le capteur de la structure d’un film argentique, sensible dès sa surface.

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Filtres recouvrant un capteur Canon (à gauche) et un capteur Micro 4/3 (à droite). Photo © Aaron Closz / Lensrentals

À l’inverse, les appareils Micro 4/3, avec leur capteur exposé directement aux agressions extérieures pendant le changement d’objectif, ont été conçus avec des vitres particulièrement épaisses, de l’ordre de 4 mm.

Or, même s’il s’agit de simples verres plans, ces éléments ont forcément un impact sur les rayons qui les traversent : dispersion, aberrations, etc. On peut penser qu’ils réduisent forcément le piqué, puisqu’ils ajoutent une surface ; mais en réalité, ils peuvent tout aussi bien l’améliorer.

Accord capteur-objectif

En fait, le fabricant de l’objectif tient compte de cet élément. C’est ainsi qu’un réducteur de focales comme le Metabones SpeedBooster, prévu pour être employé avec un compact à objectifs interchangeables aux verres relativement épais, donne des résultats médiocres lorsqu’on l’utilise sur un banc de test (dont le récepteur est dépourvu de filtres) ; ajoutez une simple lame de verre derrière l’objectif, et vous obtiendrez de bien meilleurs chiffres — c’est l’expérience qui a poussé Roger Cicala à s’intéresser à ce problème.

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Fonction de transfert de modulation du Zeiss Otus 55 mm f/1,4 seul, puis avec un réducteur de focale prévu pour le Micro 4/3, puis avec le même réducteur et 4 mm de verre simulant les filtres d’un capteur Micro 4/3 : démonstration de l’importance de respecter l’épaisseur prévue ! Graphiques © Lensrentals

Il n’y a donc pas une épaisseur de filtre universellement idéale, mais les objectifs prévus pour fonctionner sans filtre (notamment les argentiques) et ceux prévus pour fonctionner avec (notamment les Micro 4/3). Nous connaissions les pertes dues au montage de certaines optiques de reflex sur des compacts à objectifs interchangeables ; à l’inverse, si quelqu’un souhaitait adapter un objectif Micro 4/3, prévu pour un capteur doté de 4 mm de filtres, sur un Nikon 1 dont la couverture est beaucoup plus fine, il risquerait également de perdre en qualité.

L’effet est d’autant plus sensible que la pupille de sortie (l’image du diaphragme vue depuis l’arrière de l’objectif) est large et proche du capteur : les grands-angles lumineux sont donc particulièrement concernés, ce qui confirme là encore le constat que globalement les téléobjectifs supportent plus facilement le passage au numérique.

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Influence de la pupille de sortie sur la perte de piqué avec un capteur inadapté : un téléobjectif (ligne bleue, pupille à 20 cm du capteur) garde ses qualités, un grand-angle (ligne mauve, pupille à 2,5 cm) s’effondre. Graphique © Brian Caldwell

Les plus geeks se régaleront des détails et des graphiques chiffrés des billets de Roger Cicala ; pour les autres, retenez surtout que globalement, les rétrofocus et les grands-angles doivent être montés en priorité sur des capteurs semblables à ceux pour lesquels ils ont été conçus… et que si votre excellent Leica Elmarit 28 mm donne des résultats médiocres sur votre Panasonic GX7 ou votre Sony α7, ce n’est pas forcément un problème d’adaptateur mal usiné.

- Sensor stack thickness chez Lens Rentals : partie 1, partie 2 et partie 3 (en anglais)

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