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Béatrice Tupin, fondatrice du festival Les Femmes s’exposent : « Ce festival est mon mea culpa »

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11/07/2018 | Sandrine Dippa

Jusqu’au 31 août la première édition du festival Les Femmes S’exposent met à l’honneur les travaux de quatorze photographes femmes dont ceux de Françoise Huguier, de Catalina Martin-Chico et de Laurence Geai. Béatrice Tupin, créatrice et présidente de la manifestation prenant ses quartiers à Houlgate, répond à nos questions.

Le Monde de la Photo : Quelle est la genèse de ce festival se déroulant à Houlgate jusqu’au 31 août ?
Béatrice Tupin : Pendant 24 ans, j’ai travaillé au service photo du Nouvel Observateur (devenu depuis l’Obs), dont les 7 dernières années en tant que cheffe de service. Je me suis rendu compte que j’avais fait travailler très peu de femmes et qu’elles étaient peu présentées dans les festivals, les prix et les agences alors qu’elles sont de plus en plus nombreuses à pratiquer ce métier. Ce festival est mon mea culpa. Je me suis dit que j’allais me rattraper et mettre leur travail à l’honneur. Le but est d’alerter les services photo mais aussi les autres acteurs du milieu comme les agents.

MDLP : Que pourriez-vous répondre à ceux qui le taxe de sexiste ?
B.T : J’ai en effet vu sur Twitter que certains nous taxent de sexistes. Je crois qu’ils n’ont pas compris la démarche. Il s’agit d’alerter avant tout, et non de brider ou de dénigrer le travail des hommes. J’aurais aimé être alertée lors de mes années à l’Obs et avoir plus de curiosité pour le travail des femmes. De plus, je ne parle pas de quotas ! Je dis juste attention, il y des nombreuses photographes talentueuses et on passe à côté à cause de préjugés.

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Photo : Sandra Mehl

MDLP : Comment avez-vous sélectionné les photographes présentées ?
B.T : Je voulais un festival représentant tous les genres, de la photo de mode à la prise de vue sportive en passant par le reportage. J’ai choisi des coups de cœur de ma vie professionnelle, des femmes découvertes durant des stages, ou que j’ai vues démarrer. Lors de la préparation de ce projet, j’ai également fait des recherches qui m’ont notamment permis de découvrir les travaux de Corinne Dubreuil, une photographe couvrant des évènements sportifs. Pour le reste, le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Françoise Huguier m’a, par exemple, présenté Margarita Ivanova.

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Photo : Axelle de Russé

MDLP : Pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées, selon vous ?
B.T : Il y a 24 ans, lorsque j’ai commencé la photographie était un monde d’hommes : en France on ne comptait que dix-huit photographes femme professionnelles, toutes catégories confondues. Aujourd’hui, elles sont beaucoup plus nombreuses. Je pense que ce constat est lié à plusieurs facteurs. D’une part, dans les services photo, il y a les habitudes. Les journalistes ont la plupart du temps un binôme depuis plusieurs années et quand ils partent en reportage, ils préfèrent un homme, car dans leur esprit il pourra parfois faire office de chauffeur et de fixeur. Sans compter les fausses idées sur la sécurité. Lorsque je travaillais pour l’Obs et qu’on faisait des reportages en banlieue, par exemple, j’envoyais systématiquement un homme. Ce qui était une erreur de jugement, car les femmes ont souvent une approche différente qui peut ouvrir des portes, notamment lorsqu’elles ont affaire à d’autres femmes. Il ne faut pas non plus oublier l’aspect familial. Quand j’ai commencé les photographes partaient parfois pour plusieurs semaines et c’était plus compliqué pour une femme de laisser ses enfants derrière elle. Je pense qu’ aujourd’hui il y a un virage qui est en train de se faire, la nouvelle génération finira par prendre la place qui lui est due. Mais ça va prendre encore du temps.

MDLP : Dans quelle mesure pensez-vous que ce festival puisse faire bouger les lignes ?
B.T : Je pense que ce festival donne de la visibilité aux artistes qui par la suite seront susceptibles de recevoir des prix, voire de l’argent pour réaliser leurs sujets. Il faut savoir que réaliser les reportages coûtent cher et qu’ils voient souvent le jour grâce à des commandes. Du coup, si les photographes en ont peu, on ne les retrouve pas dans les festivals, du moins beaucoup moins. Le festival va exister tant que la situation n’aura pas pris un tournant complètement favorable et équitable.

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Photo : Valerie Leonard

MDLP : Comment pensez-vous faire évoluer les prochaines éditions de cet évènement ?
B.T : Je tiens à ce que les futures éditions du festival se déroulent à Houlgate, car cette ville m’a accueillie. Même s’il n’est pas exclu que les expositions soient prêtées. Pour des raisons budgétaires, j’ai choisi majoritairement des photographes français, mais j’aimerai par la suite exposer des femmes photographes du monde entier.

Propos recueillis par Sandrine Dippa

Crédit image d’accueil : photo Catalina Martin-Chico

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