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Entretien avec un artiste "Sauvage"

19/11/2010 | Benjamin Favier

Vincent Munier revient sur la genèse de Nordic Variations. Solitaire, il ne jure que par les milieux hostiles. Le photographe vosgien revient sur son amour pour la nature et ses méthodes de travail en conditions extrêmes. Avec l’humilité qui le caractérise.

Propos recueillis par Benjamin Favier

MDLP : Nordic Variations s’inscrit dans le cadre d’une mission du Wild Wonders of Europe. Qu’est-ce qui t’a plu dans cette idée ?

VM : j’aime l’idée de créer une certaine synergie entre différents styles de photographes. le tout pour mettre en valeur le patrimoine naturel de notre Europe. Souvent, les enfants connaissent bien mieux la faune africaine que celle qui vit sur le pas de leur porte. or c’est peut-être moins exotique, mais sûrement pas moins passionnant. Aussi, j’ai accepté car Staffan Widstrand et Florian Mollers sont deux amis de longue date, qui ont un discours sincère quant à la conservation de la nature via la photographie.

MDLP : Tu n’étais pas seul. Laurent Joffrion, réalisateur, te suivait comme ton ombre avec sa caméra. Comment s’est passée la collaboration sur le terrain ?

VM : Je suis surtout un solitaire. En dehors de mon père Michel, je ne pensais pas pouvoir partager de tels moments avec quelqu’un d’autre. On se connaît depuis plusieurs années avec Laurent. Il avait supervisé la première conception de mon site Internet. Nous avons beaucoup d’atomes crochus. On travaille ensemble sur quelques projets quand l’occasion se présente. J’ai confiance en Laurent. Je pense que c’est réciproque. Nous avons déjà fait du terrain ensemble. En Slovénie, à la recherche des ours, ou dans les Vosges, où on a eu l’occasion de poser quelques affûts…

MDLP : On sent que derrière la passion, il y a le goût de l’aventure, l’envie d’explorer des territoires vierges…

VM : J’aime marier la photographie avec cet esprit d’aventure. Je viens de passer quatre semaines dans l’Arctique canadien, sans assistance, à tirer mon traineau. On apprend à mieux se connaître dans ces circonstances. On ne peut pas tricher. Nous sommes tellement vulnérables… juste une poussière dans un désert Blanc. La photographie n’est qu’un prétexte pour passer du temps dans la
nature. Je peux m’extasier autant devant un rouge-gorge qu’un ours polaire. Même si je n’ai pas de téléobjectif à portée de main. Je suis avant tout un grand rêveur. J’aime m’échapper du confort, qui endort, qui creuse le fossé entre l’homme et la nature. On ne sait plus vivre en milieu hostile. Cela m’attriste. Je fais de la résistance.

“ La photographie n’est qu’un prétexte pour passer du temps dans la nature ”

MDLP : Il faut une excellente condition physique pour affronter tout cela. Suis-tu un programme particulier ?

VM : Oui, c’est vrai. J’effectue un peu d’entraînement dans les Vosges.
Mais avant tout je pense qu’il faut savoir vivre dehors. J’ai cette expérience, car à 12 ans à peine, je passais dejà des nuits seul sous un sapin alors que mon père dormait à plusieurs kilomètres de là, pour photographier des animaux sauvages. ça forge un caractère ! Et ça apprend à surmonter ses peurs.

MDLP : Ce genre de prise de vue comporte néanmoins des risques. Tu dois avoir quelques frayeurs de temps en temps…

VM : Assez souvent même. Et c’est utile je pense. Je l’accepte car cela
intime un certain sentiment d’humilité. Nous entrons dans un autre
monde où l’homme n’est plus le dominant ! Maintenant, les moments où j’ai véritablement eu très peur sont très rares. Je me souviens précisément d’une charge d’une femelle de bœufs musqués qui s’est stoppée net à quelques mètres. Ou encore cet ours qui m’a tenu prisonnier de longues minutes avant que j’actionne un pétard fumigène sur sa truffe pour l’éloigner. C’est vrai, je dois bien avouer que là, je me suis vu partir…

MDLP : Ton attachement à la nature ne date pas d’hier. Est-ce seulement dû à tes origines vosgiennes ?

VM : Depuis mon enfance, je baigne dans un monde naturaliste. Mon père, outre son talent de photographe, est un véritable écologiste prêt à se battre pour sauver tel ou tel milieu animalier ou végétal. Il a commencé dans les années 70 à monter des associations pour protéger des rivières sauvages, des tourbières, des forêts de type primaire. Pour bien respirer, je recherche des lieux similaires, mais à plus grande échelle : Scandinavie, Russie, Canada… La magie, le mystère, l’hostilité, les animaux difficiles à voir : je suis très sensible à tout ça.

MDLP : Comment définirais-tu ton style ?

VM : J’aime les images crépusculaires. C’est souvent à cet instant, entre chiens et loups, que la magie opère : silhouettes fantomatiques, angoisses, mélange de réel et d’imaginaire… Ce sont des moments intenses pour moi. Beaucoup de mammifères agissent la nuit. Quand on passe pas mal de temps sur le terrain, la nuit, on sait que les moments de basse lumière sont propices aux images. Tout est suggéré. On distingue, on imagine la bête ! Je vis souvent cela
à travers mes jumelles. Des moments d’intense émotion. Je ne photographie pas ce que je vois, mais ce que je ressens. L’image permet de figer un rêve, un mirage, une rencontre qui semble irréelle. On peut se replonger dans ce rêve, le revivre différemment ou pas, le partager. J’aime quand l’homme et l’animal partagent cette même danse. C’est une énergie vitale pour notre bien-être je pense.

MDLP : As-tu quelques sources d’inspiration ?

VM : L’artiste Robert Hainard m’a beaucoup influencé. Il est, à l’instar
d’autres naturalistes, un véritable guide. Je suis un grand fan de gravure, d’esquisse. J’aime l’idée de pouvoir représenter un animal à partir de quelques traits. Je fuis l’hyperréalisme, qui m’ennuie. Je suis plus proche des techniques picturales asiatiques. Je me serais bien vu en peintre animalier. Qui sait si plus tard… Le photographe animalier japonais Michio Hoshino, décédé en 1996 au Kamtchatka (NDLR : péninsule volcanique en Extrême-Orient russe) m’a également beaucoup marqué. Jim Brandenburg aussi. Ils étaient deux pionniers
dans le fait de photographier l’animal dans son milieu.

MDLP : Comment gères-tu la logistique sur place, dans des lieux si hostiles ?

VM : La logistique est plus complexe à gérer dans ces conditions. Mais on a maintenant du bon matériel. Il reste toutefois lourd et encombrant. Sans parler de la recharge des accus. Mais je trouve les boîtiers numériques très résistants. C’était ma principale angoisse par rapport à l’argentique. Avant les films cassaient facilement avec le froid. Maintenant il arrive que des morceaux de plastique cèdent, mais en général, tout fonctionne bien. Le bruit de déclenchement est différent en dessous de - 30 °, il peine un peu, mais ça marche.

MDLP : Tu travailles avec un Nikon D3s désormais. Que t’apporte ce reflex dans ton travail ?

VM : Le D3s est un boîtier idéal pour moi. J’aime bien son rendu à 12 800 Iso. Il me rappelle presque le grain du Kodachrome 200. Les nouvelles batteries sont bien plus endurantes que celles des modèles précédents. J’ai récemment tenu quatre semaines en Arctique, par des températures oscillant entre - 10 et - 40° avec douze accus. Ils m’accompagnent toujours dans mon duvet
pendant mon sommeil.

MDLP : Quel matériel emportes-tu en reportage ?

VM : En général, je prends un 20 mm F2,8, un 50 mm F1,4, un 70-200 mm F2,8 avec un 600 mm ou un 200-400 mm. J’ai une préférence pour les focales fixes, mais le zoom est très pratique. D’autant plus en vidéo si un changement de plan est nécessaire. J’utilise des cartes de fortes capacités, de 16 ou 32 Go. Cela me permet de ne pas lésiner sur le mode Rafales. Je sollicite le deuxième compartiment pour mes sauvegardes.

MDLP : Qu’en est-il de la vidéo ? Es-tu tenté par ce média ?

VM : Je reste un photographe avant tout. L’image fixe est ma priorité. Je pense qu’elle a beaucoup plus de force que la vidéo. Cependant je commence à m’amuser avec ce média. Je n’ai pas encore trouvé la formule magique, mais j’essaie. Le clip Summer Variation (NDLR : réalisé pour Nikon dans le cadre de la promotions du D3s, sorti fin 2009) compile quelques jours passés en Norvège. Mais ce n’est pas encore abouti. On peut faire encore mieux. Je continue d’explorer la vidéo. C’est tellement plus accessible désormais. Mais je n’oublie pas pour autant le livre, qui reste un objet beau et noble pour défendre une cause… ou faire une déclaration d’amour à cette belle nature dont on dépend tous !

VOIR LE WEBDOCU
"NORDIC VARIATIONS, Dans les pas les pas de Vincent Munier"

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- ENFIN, LE D3X DE NIKON EST OFFICIALISÉ !

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