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Ethan Levitas

technique
28/09/2010 | Benjamin Favier

Qualifier Ethan Levitas de photographe de rue serait réducteur. En réalité, son œuvre prend une dimension politique. New-yorkais de naissance, il s’efforce de souligner les dérives du gouvernement américain en matière de sécurité dans la métropole, depuis les attentats de 2001. Son site ne montre qu’une infime partie de son travail. Mais la mise en bouche vaut le détour.


« New York, New York ! ». On aurait presque envie d’entonner le refrain de la fameuse chanson de Liza Minnelli, en découvrant les images de Levitas. Mais la douce et jouissive euphorie du morceau s’accommode mal d’une atmosphère infiniment réaliste. New-yorkais d’origine, un temps exilé au Japon, Ethan Levitas montre le vrai visage de la Grosse Pomme. Avec un goût non feint pour la provocation et l’ironie.

Espace public

« L’une des choses que l’on demande aux gens de faire est de rapporter ce qui leur semble anormal. Par exemple, quelqu’un qui prendrait des images de matériaux qui ne présentent aucun intérêt… Il faut qu’ils le signalent aux autorités. » Cet extrait d’une citation de Janet Napolitano, Secrétaire à la sécurité intérieure au sein de l’administration Obama, apparaît à la fin du portfolio This is jus to say, dans lequel Ethan Levitas s’évertue à photographier des trains, qui ne présentent, a priori, aucun intérêt. Son projet relève au départ d’une exploration de l’espace publique et de la manière dont la population évolue en son sein. Mais depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’Amérique a changé. New York, jadis ville si prisée de la côte Est, arrogante et séduisante, souffre comme toutes les citadelles attaquées. La peur l’a envahie. Photographe de rue, Ethan Levitas en est le premier témoin. Dans le documentaire In practice (réalisé par Thomas Viguier), qui lui est entièrement consacré, il déclare : « Il est de plus en plus difficile de travailler en public. L’appareil photo est désormais perçu comme un objet intrusif. Il faut se montrer malin ». On le voit ainsi scruter attentivement les quais avant de descendre d’un train pour entamer une série de prises de vue. S’assurer qu’ils sont vierges de présence policière.

Virage politique

Un réflexe d’autant plus crucial qu’il n’aime pas travailler vite. S’il utilise parfois des reflex numériques, Ethan Levitas est avant tout un adepte de la chambre 4 x 5 et du moyen format. Ce choix conditionne sa manière d’appréhender un sujet : « J’aime le matériel qui me fait agir lentement. Je prends mon temps pour me déplacer. Cela peut être laborieux. Parfois, je n’arrive pas à trouver de sens avec des appareils rapides. Je me sens déconnecté des images que je prends. » Une démarche anachronique.
Remarqué lors des Rencontre d’Arles 2008 avec la série This is just to say, Ethan Levitas poursuit son travail de fond. Il prend désormais un virage politique. En atteste la page d’accueil de son site : on voit l’affiche de James Montgomery Flagg, flanquée du slogan « I want you for the US Army » (rejoins l’armée américaine), utilisée comme outil de propagande pour enrôler des jeunes lors de la Première Guerre mondiale. Le ton est donné.
Son dernier travail, In Advance of a Broken Arm, porte sur les forces de police de New York. Il a notamment fait la couverture du numéro 9 du magazine Polka cette année. Il revendique la prise de vue sur le vif. D’où ces regards surpris, inquiets, agressifs. À travers cette série de portraits, Levitas dépeint parfaitement la tension qui règne dans la métropole. Le doigt pointé en avant de l’Oncle Sam n’a jamais semblé aussi menaçant.
Dommage que l’on ne puisse voir plus d’images. Notamment la dernière série, In advance of a broken arm. Pour y avoir accès, ainsi qu’aux archives, il faut formuler une demande auprès du photographe, via la rubrique Inquiries. Ethan explique sa démarche au Monde de la Photo : « Mon site n’est pas fait pour exposer tous mes travaux réalisés jusqu’à aujourd’hui. Je préfère montrer seulement quelques œuvres clés, dans un souci de clarté. L’accès restreint aux galeries permet de créer des contenus spécifiques pour certains clients et de montrer des séries en cours. Ce sont des sortes d’expositions temporaires. La partie publique sert à montrer un aperçu de mon travail. Pour l’instant, je souhaite en rester là. » Le site de la Galerie Polka permet de voir plus d’images.

- Article mis à jour le 28/09/2010 à 18h (citation de fin d’Ethan Levitas et lien vers la Galerie Polka).

- Le site d’Ethan Levitas

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