Tout savoir pour réaliser, optimiser et diffuser ses photos

Interview : Vincent Munier, photographe de nature

Image
11/07/2016 | Robert Dessi

Aussi discret que les loups qu’il photographie, à force de patience et d’inaction, nous avons pu rencontrer le photographe Vincent Munier, spécialiste des milieux extrêmes à l’esthétique si particulière. Il revient sur sa participation au projet Antartica de Luc Jaquet, et dévoile quelques-uns de ses projets : exposition au Festival Photo Montier, livres, etc.

Ce n’était pas votre première collaboration avec Luc Jacquet ?
En effet, il m’avait sollicité à l’occasion d’un projet au Pérou. C’était pour une carte blanche en photo sur le tournage de son film Il était une forêt avec Francis Hallé. C’est vraiment là que j’ai fait sa connaissance et pu côtoyer son équipe. Le courant est tout de suite bien passé. J’ai très vite senti que nous partagions les mêmes valeurs, passer par l’émotion, par l’image pour transmettre la passion et l’amour de la nature sauvage.
J’ai passé deux semaines sur place, c’était nouveau pour moi qui suis plus habitué aux climats plus froids. Luc dirigeait son équipe tandis que je travaillais en solo. La vie autour de moi était foisonnante, c’était très intéressant.

Comment le projet Antarctica s’est-il mis en place ?
Pour Antarctica, la mise en place du projet a pris plus temps que prévu, notamment en raison de soucis administratifs avec diverses entités (IPEV et TAAF, deux organismes qui chapeautent les expéditions en Antarctique [NDLR : Institut polaire français Paul-Emile Victor et Terres australes et antarctiques françaises). Le projet a été retardé d’un an. Un mal pour un bien puisque cette année-là, malheureusement, la banquise n’a pas eu de débâcle, avec des conséquences importantes. La manchotière se trouve aux alentours de la base Dumont-d’Urville. En temps normal, au printemps, la débâcle ouvre un passage de quelques kilomètres pour la mise à l’eau. Elle permet aux manchots de faire les allers-retours pour nourrir leurs petits. Mais cette année-là, il restait encore cinquante kilomètres de banquise, une distance bien trop longue à parcourir. Les petits manchots ont énormément souffert avec une mortalité très importante. C’est un milieu vraiment extrême et même si les espèces animales qui vivent dans ces lieux sont parfaitement adaptées, il suffit d’un rien pour mettre en péril toute une population. C’est un écosystème particulièrement fragile.

Vous étiez déjà familier des climats extrêmes, en quoi était-ce différent en Antarctique ?
C’est n’est pas comme ce que j’ai pu connaître en Arctique, et les températures n’étaient pas très basses puisque nous sommes arrivés à la fin de l’hiver. C’était plus simple que lorsque je voyageais tout seul. Et puis nous pouvions nous appuyer sur la logistique de la base de Dumont-d’Urville. En cas de pépin, on est près de la station, on peut communiquer par radio. D’ailleurs, les protocoles sont très stricts, car on est loin de tout. En Arctique, on fait des sauts de puce en avion d’une communauté inuit à une autre, de village en village avant d’arriver en terre inconnue. En Antarctique en revanche, c’est différent. Pour s’y rendre, il a déjà une longue traversée en mer de dix jours. L’éloignement est beaucoup plus marqué ; il n’y a pas un village, rien. À part les scientifiques de la base, il n’y a personne. Mais le stress est moindre, puisqu’il n’y a pas d’ours polaires.

Sur cette carte blanche, avez-vous travaillé exclusivement en solo ?
J’étais souvent seul, j’aime bien travailler sur les lumières de la nuit, on était très indépendants. Mais de temps en temps, j’allais avec Jérôme Bouvier le réalisateur du documentaire ou avec Luc qui tournait des images pour son film. C’était une belle aventure. Une nouveauté pour moi, une occasion de découvrir la terre Antarctique.
C’est le travail en équipe, sur une aussi longue période, qui était aussi pour moi inédit. Avec onze personnes, on est quand même parfois un peu les uns sur les autres. Malgré tout, on se croisait assez peu : les plongeurs travaillaient le jour, ils avaient besoin de beaucoup de lumière, mais pour moi ça tapait trop, la lumière était trop dure. Quand je rentrais, généralement, ils partaient puisque je travaillais beaucoup comme je le disais la nuit, sur des lumières crépusculaires, des couchers de soleil très longs. Je croisais Luc de temps en temps.
Nous nous sommes notamment retrouvés à l’occasion de deux tempêtes assez impressionnantes, c’était très beau. Il s’agissait de tempêtes de printemps, il ne faisait pas trop froid et on pouvait encore photographier. L’une d’entre elles apportait de la neige un peu mouillée, ce n’est pas très bon pour le matériel, je préfère le froid sec à dire vrai.

JPEG - 343.6 ko
La curiosité des jeunes manchots empereurs Photo : Vincent Munier

Vous êtes-vous parfois éloigné de la base ?
Les déplacements sont très encadrés pour des raisons évidentes de sécurité, il y a un chef de zone, au-delà d’un certain périmètre, il faut être deux, plus loin, trois. On ne s’éloignait pas plus de cinq kilomètres, les déplacements se faisant à pied. Et puis ça n’aurait pas eu d’intérêt d’aller au-delà puisque tout est à proximité de la base.

Vous avez participé à la construction de l’exposition du musée des confluences ?
C’est vraiment Luc et l’équipe de scénographes qui ont travaillé cette partie du projet. J’ai surtout été sollicité pour le matériel, c’est là que l’on m’a présenté le projet.

Il y a peu de photographies si l’on compare à la partie filmée ?
Ce n’est pas une galerie comme on en a l’habitude, l’objectif était avant tout l’immersion. Il y a aussi des contraintes en termes d’espace. Je dois quand même avoir une soixantaine d’images qui tournent sur grand écran, et il y a des photos de Laurent Ballesta dont notamment un grand panoramique, issu d’une série de photos qu’il a assemblées.

Quel matériel avez-vous emporté ?
J’avais pris une chambre photographique, j’ai fait du 4x5 inches, un peu de portrait et du paysage. Mes Nikon D4 avec des objectifs, du 24 mm f/1,4 au 600 mm,
Nikon France qui était partenaire de cette aventure, m’a aussi fourni du matériel ainsi qu’à Laurent Ballesta.

À certaines focales, vous êtes amené à vous approcher du sujet ?
Ce n’est pas forcément un but de venir au plus près. J’essaie juste de saisir des opportunités, je passe beaucoup de temps à observer, je me cale en fonction de la lumière. Je fais très attention, j’y vais progressivement, je vois un peu comment ça se passe. Mais parfois, oui, je me suis retrouvé tout près des manchots, des phoques de Weddell, des petits manchots Adélie.

Quels sont vos projet, exposition, publications, voyages ?
Pour le Festival Photo Montier-en-Der, auquel je participe depuis de nombreuses années, qui se tiendra en novembre prochain, je vais exposer avec Laurent Ballesta. « Sur la banquise, sous la banquise » sera notre thème. Deux univers. Pour moi, c’est très blanc, épuré avec peu de biodiversité et pour Laurent, ce sont des bleus incroyables, avec beaucoup de couleurs, et plus de biodiversité puisqu’il évolue dans les fonds marins.
Je pense que nous allons faire quelque chose à l’image du livre-coffret que nous sommes en train de préparer, en deux tomes dans un format différent de mon livre Arctique. Luc Jacquet en est bien sûr l’initiateur.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet éditorial ?
Il va sortir sur ma maison d’édition, Kobalann, en coédition avec les éditions Paulsen. Ça va s’appeler Adélie Terre-mer.

- Le site de Vincent Munier 

- Crédit image d’accueil : Luc Jacquet
Un manchot empereur accompagne Vincent Munier

Cet article vous a plu ? Notez le et partagez le sur les réseaux sociaux !



FUJIFILM

Archives Le monde de la photo

NOUVEAUTE : Vous recherchez un article, un test ?

Accédez aux archives MDLP

CEWE