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Jean-Baptiste Rabouan : « le vandyke donne des tons bruns avec une belle gamme de valeurs »

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17/11/2021 | Sandrine Dippa

Après le cyanotype, Jean-Baptiste Rabouan publie un livre consacré au vandyke
Le photographe nous parle de cet ouvrage technique détaillant le procédé photographique.

Le Monde de la Photo : Parlez-nous de votre parcours de photographe ?
Jean-Baptiste Rabouan 
 : Mon grand-père, pharmacien, était un photographe amateur éclairé. Il pratiquait l’encre grasse et le bromoil dans son laboratoire et affectionnait particulièrement l’art de la gomme. Il m’a transmis sa passion quand j’avais 13 ans et depuis, elle ne m’a jamais quittée. En 1980, j’ai suivi un apprentissage chez un artisan photographe et je mesure, aujourd’hui, la richesse de cette formation et tout le savoir-faire de cet artisanat de la photographie argentique. Je suis vite devenu professionnel et j’ai ouvert un studio publicitaire à Paris même si ma vocation était avant tout dans le reportage. Je me suis lancé en 1988 avec une série de projets dans l’Himalaya et en Inde. Ces reportages ont été récompensés par une exposition à Paris et un livre qui m’ont ouvert les portes des grandes agences de diffusion : Gamma puis Sygma, Hemis et aujourd’hui Laif. En parallèle de mes reportages, j’ai publié plusieurs livres de textes et photographies comme Ladakh et Mother India. En 2005, je suis passé au numérique avec enthousiasme. Néanmoins, j’ai toujours gardé mon laboratoire, car je reste un artisan dans l’âme ! Aujourd’hui, je ressens le besoin de porter mon regard vers mon « intériorité ». Je me passionne pour la matière photographique avec les procédés alternatifs et toute l’expressivité qu’elle peut apporter à mes images. Ces recherches occupent l’essentiel de mon travail autant en prise de vue qu’en laboratoire (l’un ne va pas sans l’autre). Je n’ai pas abandonné le numérique, mais je travaille plus volontiers à la chambre grand-format en argentique.

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Portrait de l’artiste peintre Jean-Paul Bodin. Vandyke viré à l’or. ©Jean-Baptiste Rabouan

MDLP : En parlant d’argentique et de procédés alternatifs, après un ouvrage sur le cyanotype vous venez de publier un livre sur le procédé vandyke via Amazon. Quelle est la genèse de ce projet ?
J.B R 
 : Il faut savoir que ma carrière s’est nourrie de l’argentique et du numérique. Il a fallu apprendre à manier avec la même aisance l’ordinateur et le labo, les films et les pixels ! Cette double compétence, propre à ma génération, offre des possibilités créatives extraordinaires. Et j’aime transmettre cette expérience et ce savoir-faire. J’anime par exemple des stages au sein du groupe « avec un photographe » créé par Philippe Body. Il arrive souvent que dans ce cadre, les stagiaires me demandent des références pédagogiques sur internet. Je me suis vite rendu compte qu’ils perdraient leur temps à séparer le grain de l’ivraie : les quelques références valables sont noyées dans une myriade de sites incomplets ou erronés. J’ai alors entrepris d’écrire une série de livres pratiques pour donner des bases solides et fiables à ceux qui souhaitent s’engager en photographie alternative. Je propose un travail par étapes. J’ai commencé par le cyanotype, le plus simple des procédés, puis j’ai continué avec le vandyke, un peu plus complexe mais très accessible. Il y aura certainement un ouvrage sur la prise de vue à la chambre et l’argentique classique puis d’autres procédés comme le platine-palladium, l’albuminé et le salé. Peut-être un jour la gomme. J’espère que je trouverai le temps de faire tout cela ! Concernant la vente sur Amazon, il y a beaucoup de réticences. Néanmoins, sans leur service d’impression à la demande, éditer des ouvrages aussi confidentiels serait une mission impossible. Je vois plutôt ça comme une chance pour l’auteur et pour le lecteur.

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Chateau de Murol. Tirage vandyke 30x40cm. ©Jean-Baptiste Rabouan

MDLP : Rappelez-nous ce qu’est ce procédé ?
J.B R
 : Le vandyke fait partie des procédés photographiques qui utilisent la sensibilité à la lumière des sels de fer et leur potentiel à réduire d’autres sels métalliques. Dans le cas du vandyke, on réduit un sel d’argent pour donner une image « argentique ». La structure des grains d’argents qui forment l’image par ce procédé est très différente de celle obtenue par l’argentique classique.

MDLP : Comment a-t-il vu le jour ?
J.B R
 : La base de référence, ce sont les recherches du scientifique anglais John Herschel sur la sensibilité des sels de fer présentées en 1842. À la fin du 19e siècle sont apparues plusieurs variantes de procédés photographiques fer-argent comme le tirage sépia et la kallitypie de James Nicol. On tient pour origine du vandyke la variante proposée par George Brown. Il semble que le nom vandyke a été publié pour la première fois en 1901 dans le British Journal of Photography. L’origine de la nomination reste vague, on trouve d’ailleurs de nombreuses orthographes différentes. Le procédé vandyke (sous diverses variantes) a été utilisé en photographie commerciale et en reprographie de la fin du 19e et jusqu’au début du 20e siècle. Comme les autres procédés de ce type, il a été supplanté avec le déploiement de l’électricité par l’argentique classique qui permet l’agrandissement à la lumière artificielle.

MDLP : Dans votre livre vous écrivez que beaucoup de photographes s’initient au vandyke dans la foulée de la pratique du cyanotype. Expliquez-nous pourquoi ?
J.B R 
 : Pour un pratiquant qui débute en photographie alternative, le vandyke est la suite logique du cyanotype. Les deux procédés utilisent le même sensibilisateur (le citrate de fer) et tous deux sont à tirage direct (sans développement chimique). En revanche, le vandyke utilise des sels d’argents qui offrent une palette de valeurs beaucoup plus riche que celle du cyanotype aux sels de fer (ferricyanure). Le vandyke requiert un peu plus de manipulations qui sont une excellente préparation pour les autres procédés. Le vandyke est une étape mais pas seulement. C’est un procédé noble qui a toute sa place dans la palette du photographe. Pour ma part, je l’utilise régulièrement pour mes créations aux côtés du platine ou de la gomme.

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L’île du buisson rouge, tirage vandyle 30x40cm. ©Jean-Baptiste Rabouan

MDLP : Comment obtient-on une image ?
J.B R
 : Il faut tout d’abord préparer un négatif numérique au format de l’image, car on travaille par tirage contact. Ensuite, on prépare une solution sensible à base de nitrate d’argent et de citrate de fer que l’on couche sur une feuille de papier. Une fois sec, on fait une exposition aux UV du négatif par contact. Soit avec des lampes UV soit au soleil. Une insoleuse UV apporte une précision et un confort de travail, c’est pourquoi je consacre un chapitre qui en détaille la construction. Ensuite un simple lavage et fixage peuvent suffire. Naturellement, il y a de nombreuses possibilités de virages.

MDLP : Quel résultat pouvons-nous espérer ?
J.B R
 : À la base le vandyke donne des tons bruns avec une belle gamme de valeurs. Il y a plusieurs moyens de gérer le rendu par le choix et la préparation du papier ainsi que des techniques de virage. Avec une bonne maîtrise, on peut obtenir des tons allant du sépia au gris chaud en passant par des variantes rouge-violet…

MDLP : Quels sujets s’y prêtent le mieux ?
J.B R
 : Il n’y a pas de règle, chacun trouvera son style. Pour ma part, je choisis souvent le vandyke pour les paysages tourmentés et romantiques ainsi que les portraits de caractère. Je l’associe volontiers avec la gomme mais c’est une technique un peu compliquée à mettre en œuvre.

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L’église de Bulat-Pestivien. Gomme sur vandyke 30x40cm. ©Jean-Baptiste Rabouan

MDLP : Que conseilleriez-vous à ceux qui souhaitent se lancer ?
J.B R
 : Je dirais d’éviter de monter un labo occasionnel dans la cuisine ou la salle de bain ! Il vaut mieux avoir un local dédié, même petit, pour assurer une constance de travail et la sécurisation des produits. Et puis acquérir de bonnes bases et surtout ne pas jouer au petit chimiste avec n’importe quelle vidéo trouvée sur internet : cela peut-être dangereux ! La stabilité des solutions est très variable. Il faut mieux stocker les produits sous forme solide et préparer les solutions au fur et à mesure des besoins. Je ne suis pas un adepte des « kits tout prêts ». Les prix ont beaucoup augmenté (en particulier l’argent) mais cela est peut-être transitoire. Il y a plusieurs fournisseurs, citons en France Disactis spécialisé dans les procédés alternatifs.

MDLP : Quels sont vos projets ?
J.B R : J’ai mis au point un procédé qui me permet de réaliser les épreuves avec la terre collectée sur les sites de prise de vue. J’appelle cette démarche autant artistique que technique : « terrotype ». Je crée ainsi une relation intime entre l’image (empreinte de lumière) et la matière. Mon objectif est d’apporter au spectateur la possibilité d’une contemplation avec une résonance personnelle intime au-delà des mots. Ma prochaine exposition aura lieu du 11 au 17 novembre Galerie Bridaine 8 rue Bridaine à Paris avec une présentation des procédés (dont les terrotypes) le samedi 13 à 15h. Une autre exposition est prévue à Saumur au Dôme du 14 au 30 avril.

- Le site de Jean-Baptiste Rabouan 
- Le livre Le procédé vandyke sur Amazon 

Propos recueillis par Sandrine Dippa

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