Le travail du photographe de Magnum à la chambre a déjà fait l’objet d’une exposition à la BNF et d’une parution (éditions de la Martinière). Dans ce film, nous le suivons au volant de son camion, sur les routes de France, pendant que sa compagne, Claudine Nougaret, commente des séquences tournées par le cinéaste au cours de sa carrière.
« Je connais mieux Djibouti que la Meuse » lâche Depardon au volant de son fourgon, l’air placide, un bonnet vissé sur le crâne. Nous sommes à la dix-septième minute du film. Alors que le célèbre photographe/cinéaste sillonne les routes de l’hexagone avec sa chambre photographique, Claudine Nougaret, sa compagne, chef opératrice du son, déniche des bouts de films inédits dans leur cave. Les deux narrations se répondent dans cette belle biographie du célèbre homme d’images, pendant plus d’une heure et demie.
« J’essaie de faire une photo, mais il y a toujours quelqu’un ». Le film s’ouvre sur ces mots. Le photographe apparaît plein cadre, derrière son imposante chambre. Il fuit le mouvement. Les temps de poses se comptent en secondes. Quand il photographie quatre personnes âgées assises sur un banc, ils leur intiment de rester immobiles. « Faire des photos à la chambre c’est tout un exercice. D’abord il faut ouvrir l’objectif, viser, faire le temps de pose, je suis à 1 seconde, à f/32. refermer l’objectif, mettre un châssis. Bien vérifier que l’on a armé, que tout est fermé. Respirer un grand coup… ». Un comble pour cet amoureux de la prise de vue sur la vif, qui emmena ses Leica aux quatre coins du globe. Des images noir et blanc granuleuses prises au Biafra, à Prague, dans le désert, à Caracas font écho à cette période. Celle où il fonde l’agence Gamma. La voix off de Claudine Nougaret, sporadique et posée, livre de précieux éclairages. Nous découvrons des séquences inédites, comme celle, hallucinante de cruauté, montrant des mercenaires chargés de former des soldats en République Centrafricaine. Ou encore cette fusillade dans les rues de Caracas, où le reporter, absorbé par l’événement, finit par tourner seul, abandonné par ses deux compères. D’autres nous replongent dans l’ambiance de ses longs-métrages comme San Clemente, Urgences, Reporters, La captive du désert, Délits flagrants ou l’exceptionnelle trilogie Profils paysans.
Journal de France raconte l’histoire d’un homme qui a passé sa vie à voyager. Ce road-movie intimiste s’apparente à un attachant portrait de Depardon, d’ordinaire effacé derrière son appareil ou sa caméra. Lui qui, selon sa compagne « aimait amener les filles dans le désert ». Lui qui fait part de ses « remords », en parcourant ce pays qu’il connaît si peu. Son récent portrait officiel du président de la République François Hollande a été l’objet de vives critiques, d’aucuns soulignant le caractère anachronique et l’imperfection de la photo sur le plan technique. L’essentiel a toujours été ailleurs dans l’œuvre de Depardon. Il le revendique et le rappelle dans le film, alors qu’il attend le moment propice pour déclencher : « La belle lumière, c’est un peu dangereux ».
Journal de France
Par Raymond Depardon et Claudine Nougaret
Arte Éditions
1h40 min
DVD : 15 € ; Blu-Ray : 20 €