À l’occasion de la centième édition de la Grande Boucle, le rédacteur en chef du service photo de l’AFP France nous explique comment les images sont envoyées aux clients en temps réel, durant la course. Un procédé inédit pour l’agence sur cet événement itinérant.
C’est une première sur ce type d’événement. Pendant la centième édition du Tour de France, les photographes de l’Agence France-Presse ont la possibilité d’envoyer directement leurs images par satellite, depuis leurs motos. Thomas Coex, rédacteur en chef du service photo de l’agence en France, fait le point sur cette stratégie, en ce jour de repos pour les coureurs et la caravane.
MDLP : Pourquoi avoir pris la décision de transmettre les images en temps réel ?
Thomas Coex : Nous sommes parti du constat qu’en 2013, il était inconcevable que les médias papier ou web ne reçoivent des photos du Tour de France qu’à la fin de la course, alors que tout le monde peut voir l’événement en direct à la télévision, et cela depuis des décennies. Sur les routes de France, le réseau 3G est peu présent, et ne parlons pas de la 4G cette année.
Quels outils utilisez-vous pour envoyer les fichiers ?
Aucune technologie Telecom ne permettait jusqu’alors de pouvoir transmettre de gros fichiers en data en roulant surtout dans les zones de montagnes, ou la Corse en particulier cette année (NDLR : pour la centième édition du Tour de France, le départ a eu lieu sur l’île de Beauté, une première dans l’histoire de la compétition). Nous avons trouvé, en cherchant depuis plus d’un an, un système satellite très peu encombrant, qui tient un peu en porte-à-faux sur le porte-bagages de la moto, et qui transmet dans presque toutes les conditions. La seule exigence est d’être dans un environnement dégagé, c’est-à-dire que l’antenne doit voir le ciel en direction du sud. Nous avons deux motos en course sur le Tour de France. Elles en sont toutes les deux équipées.
Le peloton roule entre Porto-Vecchio et Bastia, lors de la première étape (213 km) de la centième édition du Tour de France, le 29 juin 2013, en Corse.
Photo : Joël Saget/AFP
Combien de photographes sont-ils sur l’événement ? Combien d’éditeurs traitent les images ?
Nous avons trois photographes en permanence sur le Tour de France, et un quatrième en renfort sur certaines étapes comme pour la Corse. Une éditrice s’occupe de tout traiter et elle se fait aider en fin de course par l’un des photographes.
Comment procédez-vous concrètement pour transmettre les images ?
Les boîtiers modernes comme l’EOS-1D X sont équipés de prises Ethernet. Il nous suffit donc soit de brancher un câble réseau directement dans le boitier et bien sûr avoir commandé une ligne à haut débit, soit d’utiliser les transmetteurs WiFi des boîtiers reliés avec un MiFi 3G ou 4G. Le photographe envoie les images à l’antenne, qui les transmet à son tour sur l’ordinateur de notre éditrice, par FTP. C’est facile et on peut se passer d’emporter un ordinateur portable. Il reste 50 % du travail à faire par l’éditeur à la réception des images, qui doit visionner la production, la cadrer et la légender. Il faut en moyenne 1 min 30 s pour envoyer une photo de 8 Mo. Ce système nous permet aussi de prendre de l’avance sur l’editing en fin de course : nous n’avons plus qu’à nous concentrer sur les photos de l’arrivée et du podium, l’essentiel aura été transmis pendant la journée. C’est une vraie évolution. Nos clients reçoivent des photos dès le départ, à la mi-journée, et pendant les moments forts de la course (les échappées, les chutes, les cartes postales…).
En tant que photographe, que pensez-vous de ce type de couverture ?
La couverture photo du Tour de France ne change pas profondément. Les photographes y sont du début à la fin et en moto, au contact des coureurs. Mais la possibilité de diffuser des photos quasiment en direct permet au photographe d’être encore plus un acteur majeur de la couverture médiatique de la course. On peut se concentrer sur sa prise de vue, envoyer les photos très facilement en sachant que les journaux et sites Internet d’information ont le matériel nécessaire pour informer leurs lecteurs en images. Ils sont très demandeurs d’images qu’ils peuvent changer, faire évoluer en fonction de la configuration de la course. Les systèmes de transmission de quasi-direct sont des moyens de plus en plus courants : nous les utilisons régulièrement aux Jeux Olympiques, lors des Coupes du Monde de football, de rugby, à Roland-Garros, lors des Césars, au festival de Cannes, etc.
Thomas Coex en 2008, pendant le tournoi de tennis de Rolland-Garros. Les images étaient transmises en direct au fur et à mesure à un desk de l’agence installé sous le Court Central.
Photo : Pierre-Emmanuel Rastoin pour Le Monde de la Photo
Ne rencontrez-vous pas des problèmes de transmission depuis le départ ?
Très peu, quelques réglages difficiles car nous avons reçu l’ensemble du matériel satellite deux jours avant le départ. Depuis les transmissions se font normalement.
L’AFP propose des séquences animées des coulisses et des conférences de presse. Faites-vous des vidéos avec vos reflex ?
Aucune vidéo n’est faite par notre équipe photo sur le tour, pour la raison simple que nous ne détenons bien sûr pas les droits de diffusion de cette course. ASO (NDLR : Amaury Sport Organisation, société organisatrice du Tour de France), les a vendus pour la France à France TV et à d’autres grandes chaînes à l’étranger.
Combien d’images circulent par jour pour l’AFP France sur le Tour ?
Nous diffusons chaque jour à nos clients entre cent et cent cinquante photos. Il y a bien sûr des étapes qui vont produire plus que d’autres. Celles qui se dérouleront dans les Alpes (NDLR : du 16 au 18 juillet) vont être des moments forts, donc favorables à une production plus riche.
Propos recueillis par Benjamin Favier