15 000 €, c’est le prix du coffret célébrant le soixantième anniversaire du Leica M (le premier M3 avait été lancé en 1954), soit presque 50 % plus cher qu’un M – ou Leica 240 – équipé du Summilux 35 mm f/1,4…
Mais avec ce M60, jamais plus vous ne serez pris en flagrant délit de « viser avec les coudes » en éloignant votre appareil pour viser via l’écran arrière. Et pour cause. Ce Leica est le premier boîtier numérique dénué d’écran LCD ! Avec lui, on retrouve le plaisir ou l’angoisse de découvrir ses images au retour d’un reportage, dans la nuit, quand on traitait ses négatifs noir et blanc à la maison, quinze jours après parfois, quand on était fanatique du Kodachrome « développement compris à Sevran ».
Ce nouveau modèle, édition limitée à six cents pièces pour le monde entier, est construit en acier inoxydable : c’est un objet massif ! Le gainage manque un peu de grip pour une bonne prise en main. Le dessin épuré (Audi design) supprime le relief des versions précédentes. La vis de cadre du réglage télémètre du M-P est remplacée par une petite trappe rectangulaire, mais on regrette, en prenant le boîtier en main, la suppression du petit relief arrière, à l’emplacement de la molette du M240, qui était bien pratique pour caler le pouce. Là, il n’y a plus de molette… car il n’y a plus de menu ! Un réglage des Iso est accessible au dos de l’appareil, et c’est tout.
En branchant le boîtier à un ordinateur en USB, on accède à quelques réglages que nous n’avons pas encore vus : des réglages a minima sans doute, car l’appareil ne photographie qu’en DNG, ce qui permet en post-traitement, d’ajuster la balance des blancs, la netteté, la saturation, etc. Le fait de déterminer le point net avec la seule aide du télémètre, réfléchir à une exposition correcte, déclencher, « l’essence même de la photographie », dit Leica.
L’automatisme reste cependant encore possible via la fonction priorité diaphragme. En gros, l’appareil a les mêmes caractéristiques qu’un M7 argentique. On peut espérer que Leica osera décliner le concept dans une série moins exclusive, d’autant que la couleur du M60 rompt avec le noir ou l’argent des optiques ; alors que le modèle argentique M-A, lui aussi lancé à l’occasion de cette date anniversaire, est proposé dans la finition traditionnelle des modèles des années 60, noir ou argenté, ce qui se marie bien avec le design des nouveaux Summarit f/2,4. Mais il est encore plus austère, car la mesure de la lumière est supprimée.
Pur et dur, le pari est osé, mais on peut penser qu’une partie de la production sera achetée par des collectionneurs. Il n’empêche, on retrouve avec le Leica M60, le geste de l’argentique, avec les possibilités, bien plus grandes – netteté, détails, hauts Iso – du support numérique.
Pure coïncidence avec la philosophie du produit annoncé, cet article a été rédigé à la main par l’auteur dans les allées de la Photokina avant d’être confié à la rédaction pour le publier sur le site…