Tout savoir pour réaliser, optimiser et diffuser ses photos

MDLP, CLAP DE FIN !

Materiel
12/02/2022 | Vincent Trujillo

Le magazine Le Monde de la Photo et le site www.lemondedelaphoto.com cessent leurs parutions à compter du 11 février 2022. Explications.

Une crise sanitaire brutale aux multiples impacts
15 ans et après plus de 192 publications en kiosques (toutes éditions confondues) nous avons la tristesse et le devoir de vous annoncer que nous avons décidé d’arrêter la publication de notre mensuel, Le monde de la Photo ainsi que celle de notre site internet quotidien : www.lemondedelaphoto.com.
Depuis deux ans, notre société d’édition indépendante, subit une série de crises à répétition qui nous ont contraint à renoncer à cette aventure éditoriale unique et exaltante. Le Covid-19 est passé par là ! Et la persistance de cette crise inédite n’aura pas permis à notre société de retrouver un équilibre financier déjà mis à mal par la restructuration de la filière presse et de sa distribution avec le dépôt de bilan de Presstalis. Comme de nombreuses entreprises, Image média a du contracter un PGE (Prêt Garanti par l’État) pour survivre à la perte importante d’un chiffre d’affaire liée au Covid-19. Nous savions à l’époque la gageure que représenterait le remboursement de ce prêt ; mais nous ne savions pas que 24 mois plus tard le Covid-19 continuerait d’influer sur l’activité économique et notre vie de cette façon. Nous sommes désormais confrontés à la crise du papier. Celle-ci a deux volets. Le premier, une inflation exorbitante (+44%) ; le second se traduit par un risque de pénurie au mois de mars/avril pouvant entraîner de fait la réduction de nos tirages ou des retards de publication de 10 à 15 jours. Ce « bon vieux » magazine était le poumon économique de nos activités. Dans ces conditions notre solvabilité financière était menacée. Dans un contexte aussi instable le risque industriel était devenu impossible à mesurer ou à anticiper mais aussi trop insidieux à supporter. Ce sont les deux éléments qui ont précipité la décision de stopper notre aventure. Il y a bien sûr des éléments secondaires qui ont contribué à forger ce verdict et nous convaincre que c’était la bonne décision. Notamment le fait que les modalités de remboursement du PGE étant arrêtées, elles empêcheraient tout investissement dans les cinq prochaines années. Ces derniers mois vous étiez aussi moins nombreux à nous lire et notre dernière campagne d’abonnement, qui avait si bien fonctionné l’hiver dernier, n’a pas eu le résultat escompté. Tous ces éléments mis bout à bout n’ont pas permis de trouver une solution viable pour notre magazine et notre site à court terme. Il fallait donc arrêter cette gabegie annoncée avant qu’il ne soit trop tard, avant que cela ne devienne trop déraisonnable.

Nous voulions vous dire merci une dernière fois
Prendre une telle décision quand la vie de ce magazine vous a obsédé durant 15 ans n’est pas une chose facile. Trop d’émotions, trop de passions, trop de rencontres et trop de souvenirs se rappellent à vous au moment de cette veillée funèbre. Mais ceux-ci éclairent sur le privilège et la chance que mes équipes et moi-même avons eu de vivre cette aventure. Pourquoi regretterions-nous cet épisode dans nos vies même si celui-ci doit se terminer de cette façon aujourd’hui ? Au contraire, nous nous estimons chanceux d’avoir eu à vivre mille et une vies en réalisant ce magazine. Nous étions habités par notre tâche et nous ne changerions en rien notre destin au regard de ce qu’il nous a été donné de vivre et de partager à travers ce rôle d’éditeur de presse photo spécialisée. Comment pouvons-nous nous plaindre ? Aussi je suis infiniment reconnaissant à nos lecteurs, à nos collaborateurs, aux acteurs de ce marché, aux fabricants de matériel photo, aux photographes et aux vidéastes qui nous ont accompagné dans cette modeste mais incroyable épopée. Tous ont contribué à notre histoire et faire ce que nous sommes devenus. J’ai bien sûr une pensée particulière pour les collaborateurs de notre magazine qui vont perdre leurs emplois. Mais je voudrais leur dire que cela a été un honneur et une fierté de défendre notre ligne éditoriale, de partager notre passion et de revendiquer à leurs côtés les valeurs et la vocation de notre magazine. Je vous le dis : vous avez été incroyables, d’une probité rare et d’une loyauté sans égale au magazine, et indirectement envers les fondateurs de ce projet. En ce moment si particulier, n’ayez pas honte, n’éprouvez aucun ressentiment, chassez tous vos regrets ; au contraire, soyez fiers et souvenez-vous de ce que vous avez créé et réalisé. Ne ressentez pas le poids d’un échec mais regardez et mesurez ce que vous avez accompli. C’est juste inouï et extraordinaire ! J’ai été évidemment votre « boss » comme vous aviez coutume de me brocarder. Soyez sûrs d’une chose : Le chef est celui qui prend tout en charge. Il dit : “J’ai été battu ». Il ne dit pas : « Mes soldats ont été battus ». écrit Antoine de Saint-Exupéry dans Pilote de guerre. C’est un message que je vous adresse à tous et en particulier à Benjamin, mon « frère d’arme », qui a eu la lourde charge d’organiser tous ces élans et de les magnifier dans nos pages avec l’aide de nos équipes dévouées. Tu as été d’une vaillance et d’un talent … J’ai bien sûr une pensée nostalgique pour JMS (et sa famille) que ce virus a emporté injustement. Tu nous manques encore cruellement. Je me remémore chaque mot d’un « testament » publié à l’occasion d’un numéro hommage. JMS, je suis désolé d’avoir manqué à ma promesse, car finalement, dans cette tempête, je n’ai pas su ramener à bon port le navire MDLP…
Enfin Je n’oublie pas notre première plume, Laurent, qui fût le premier à monter à bord du navire pour éclairer de ses écrits notre magazine et notre site. Nos dîners interminables à la Photokina sont des souvenirs lancinants. Comment ne pas citer Bruno Calendini, photographe de talent, et compagnon indispensable lors de nos emblématiques expériences digitales. À force de défis, nous sommes devenus amis mués par une insatiable soif d’aventures, de relations humaines, de récits et d’images. Bruno, nous nous reverrons car « ce qui embellit le désert c’est qu’il cache un puits quelque part…. » (Saint-Exupéry, Le Petit Prince)
Tant d’autres mériteraient cet éloge et cette reconnaissance et je m’excuse par pudeur de ne pas céder à un sentimentalisme (trop) déplacé ici. Dans Terre des hommes, Saint Exupéry écrivait : « Aimez ceux que vous commandez. Mais sans le leur dire. »
Enfin, mon dernier mot sera pour notre président, Alain Endewelt, qui m’a permis d’être le chef d’entreprise que je suis aujourd’hui et qui a guidé notre jeune équipe dans les méandres tumultueux de l’entreprenariat et de l’indépendance. J’ai tellement appris à tes côtés.
À nos lecteurs particulièrement
Chers compagnons, le premier chapitre d’un livre commencé il y a 15 ans s’arrête brutalement aujourd’hui. Et j’ai la responsabilité de vous l’annoncer. J’ai bien conscience que cela peut sembler choquant d’annoncer ainsi la fin d’une telle aventure et d’une relation si singulière entre un lectorat et son magazine. Mais la procédure judiciaire dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui intime une perte d’autonomie et de décision dans ce cruel exercice. Et je m’en excuse. Je sais que certains d’entre vous ont reconduit leurs abonnements alors que ce funeste destin n’était pas encore totalement écrit. Sachez que cet engagement est inscrit au passif de l’entreprise et qu’il appartiendra au liquidateur judiciaire d’essayer de vous rembourser. Certains d’entre vous ne le seront vraisemblablement pas faute de fonds suffisants. J’en éprouve une sincère amertume. J’espère que tout au long de ces années et de ces expériences vécues ensemble nous aurons su néanmoins vous transporter dans des élans, des directions et des réflexions qui permettront de pardonner cet impair de fin de parcours. Aussi je voudrais vous remercier pour cette relation et le privilège que vous nous avez octroyé d’exercer l’un des plus beaux métiers du monde. Sans vous aucune de nos aventures n’auraient été possibles et n’auraient eu cette saveur. Vous nous avez inspiré et permis de mesurer la charge et la responsabilité de notre métier. Et nous avons essayé d’être dignes et responsables de cette fidélité et de ce soutien.

Un autre avenir germe et commence à se dessiner
J’ai la charge de mettre un point final au premier chapitre d’un livre… que je n’ai pas l’intention de refermer aussi fatalement. Une nouvelle « bravade » me titille. Mes équipes et moi-même essayons simplement de clôturer dignement ce dernier. Bien sûr nous allons prendre un peu de repos et de recul après deux années éprouvantes. « Préparer l’avenir ce n’est que fonder le présent. Il n’est jamais que du présent à mettre en ordre. À quoi bon discuter cet héritage. L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre. » professe Antoine de Saint-Exupéry dans Citadelle.
Cet avenir a déjà un premier acte. Il y a quelques mois est né le podcast Faut Pas Pousser Les ISO aux côtés d’Arthur Azoulay. Notre émission cumule désormais plus de 230 000 écoutes. La saison 4 est en cours de préparation et sera disponible à l’écoute à la mi-mars. Chaque semaine, cet exercice inattendu, nous emplit de bonheur et d’idées pour le futur. Nous vibrons d’un enthousiasme rare pour cette nouvelle aventure inédite. Gageons que ces idées et ces bonnes ondes devront accoucher d’un nouvel élan vers des projets éditoriaux à venir mais totalement différents à la publication d’un bi-média. Ces projets nécessitent une importante préparation, une minutieuse réflexion et la recherche de financement pour affronter une période encore perturbée par les pénuries et la crise sanitaire ; mais l’envie de vous retrouver dans un second chapitre que nous rêvons tout aussi enivrant et obsédant est là et se dessine comme aux premiers jours de MDLP. Son héritage, réel et fondateur, a permis cette résilience nécessaire et notre désir de replonger dans la création de contenus. Ce sera encore un challenge comme l’ont été la création de MDLP il y a 15 ans et plus récemment celle de notre podcast Faut Pas Pousser Les ISO. Cela ne nous fait pas peur. « Une fois pris dans l’événement, les hommes ne s’en effraient plus. Seul l’inconnu épouvante les hommes » (Saint Exupéry, Terre des hommes) Finalement « ce qui importe, ce n’est pas d’arriver, mais d’aller vers » dit le Petit Prince. C’est ce que nous sommes en train de faire et nous caressons l’espoir que notre communion passée puisse à nouveau nous unir dans un avenir proche autour d’une obsession chevillée au corps : faire des photos et réaliser des films.

Au revoir… et à très bientôt,

Vincent Trujillo
Fondateur et Directeur des publications

Cet article vous a plu ? Notez le et partagez le sur les réseaux sociaux !



Archives Le monde de la photo

NOUVEAUTE : Vous recherchez un article, un test ?

Accédez aux archives MDLP