Frédéric Schlienger, président de l’Union des Photographes Professionnels, revient sur les principales mesures du manifeste pour les candidats à l’élection présidentielle.
Quelques jours après la clôture du congrès annuel de l’Union des Photographes Professionnels, qui s’est tenu les 9 et 10 mars, Philippe Schlienger, président de l’association, revient sur les principaux points du manifeste adressé aux candidats à l’élection présidentielle. L’occasion de faire un point sur les avancées de la Mission de la Photographie, créée par le ministère de la Culture et de la Communication il y a deux ans.
MDLP : Frédéric Buxin, votre prédécesseur à la tête de l’UPP, déclarait avoir été écouté, il y a deux ans par le ministère de la Culture et de la communication. Or, on retrouve les mêmes thèmes au cœur de votre manifeste adressé aux candidats à l’élection présidentielle…
Frédéric Schlienger : Nous avons plusieurs dossiers en cours avec le ministère et en particulier avec monsieur Barroy pour la Mission de la photographie. Notre relation avec le ministère est bonne. Frédéric Mitterrand a prouvé à maintes reprises qu’il s’intéresse aux problèmes des photographes. C’est en ce sens que Frédéric Buxin a dit qu’il s’était senti écouté. Je pense que c’était sincère. Nous avons un dialogue quasi hebdomadaire avec le ministère. Les questions sont nombreuses. Par exemple, on nous demande de réagir au rapport Mazars sur les rémunérations de l’auteur à l’ère numérique (NDLR : rapport commandé par le ministère de la Culture et de la Communication, rendu public en décembre 2011). Ou d’analyser et de prendre position sur des dossiers tels que la nomenclature de la mention du photographe dans la presse.
MDLP : Pouvez-vous citer des mesures concrètes, prises par le ministère à l’attention des photographes au cours de ces derniers mois ?
FS : Le ministère a réalisé quelque chose de très important. Frédéric Mitterrand a envoyé une lettre à la présidente de la CSPLA (NDLR : Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique), madame Hubac, en lui demandant de se saisir de la question des microstocks. Nous estimons que ces derniers sont dans l’illégalité en proposant des images « libres de droits » - nous condamnons au passage cette appellation trompeuse, selon nous. Nous pensons aussi qu’ils sont dans l’illégalité en proposant des images à 0,14 centime d’euros. C’est une concurrence déloyale : personne ne peut vivre en France en vendant ses photos à ce prix là. Ils sont dans l’illégalité parce qu’ils échappent, du fait de leur inter-territorialité, à certaines mesures fiscales comme le reversement du 1 % au diffuseur, le paiement des cotisations sociales, etc. Ils mettent en avant le fait qu’ils dépendent d’une législation alors que le code de la propriété intellectuelle stipule clairement que c’est le pays où l’image est diffusée qui doit faire appliquer sa loi. Dans ce domaine, nous avons sensibilisé le ministère sur un certain nombre de points. Dans cette correspondance, le ministre écrit clairement que les microstocks représentent un danger pour la création photographique. C’est également notre position. Nous attendons les conclusions du CSPLA.
Frédéric Schlienger lors du dernier Congrès de l’UPP, qui s’est tenu les 9 et 10 mars. Photo : Renaud Wailliez
MDLP : Deux articles ont été rejetés lors de l’adoption de la proposition de loi sur les œuvres orphelines en octobre 2010. Où en êtes-vous dans votre lutte contre l’emploi de la mention DR ?
FS : Même si elle est amputée de deux articles, on peut considérer la proposition de loi sur les œuvres orphelines comme une demi-avancée. Ce qui nous intéresse concerne deux points en particulier : définir la gestion de l’exploitation des droits attachés à une œuvre orpheline. Nous espérions éradiquer la mention DR. Ensuite, nous souhaitions parvenir à déterminer le prix d’une photographie. Est-ce qu’une image peut coûter 0,14 centimes d’euros comme le prônent les microstocks ? Quand d’autres valent des milliers d’euros ? Le fait d’avoir un système de règlement d’un droit d’auteur à une SPRD (NDLR : société de perception et de répartition des droits) aurait permis de statuer sur un barème. Aujourd’hui, il faut tout reprendre à zéro, pour obtenir l’application de ces deux articles.
MDLP : La Mission de la Photographie, mise en place par le ministère de la Culture et de la Communication en avril 2010 est-elle efficace ?
C’est une question délicate. Je pense qu’ils essaient vraiment de faire avancer les choses. À l’UPP, on peut critiquer ce rideau de fumée qui ne donne pas grand-chose… En même temps, nous savons bien que Frédéric Mitterrand a assez peu de latitude avec ce gouvernement. Mais à trop critiquer, on risque de rompre le dialogue avec le ministère de la Culture. On ne va pas scier la branche sur laquelle on est assis.
MDLP : Votre manifeste s’adresse aux candidats à la présidentielle. Avez-vous eu des réponses jusqu’à présent ?
FS : Non. Curieusement, ce sont des commissions de culture de diverses sensibilités politiques, qui nous ont sollicités : « Si nous étions au pouvoir, quelles mesures demanderiez-vous ? » Voilà la requête, qu’elle émane du Parti socialiste, du Front de gauche, ou même de l’UMP. On s’aperçoit que le milieu politique a une méconnaissance totale des problèmes des photographes auteurs. Quand on invite une personnalité politique à parler d’un dossier relatif à ce domaine, on est pratiquement sûr qu’elle va dévier en parlant d’Hadopi, par exemple. L’Hadopi ne concerne qu’une toute petite partie de nos problèmes. Qu’un particulier vole une image sur Internet pour la mettre en fond d’écran ou l’accrocher dans son salon nous causera peu de torts. En revanche, son utilisation dans un cadre professionnel est véritablement dommageable. Les politiques ont du mal à faire la part des choses, notre problématique est très spécifique, différente sur bien des points des questions que pose la musique ou le cinéma, par exemple.
MDLP : Vous réclamez la mise en place d’un « fonds de soutien aux photographes professionnels ». Où en êtes-vous sur ce dossier ?
FS : Monsieur Barroy, quand il lit ce point de notre manifeste (NDLR : le dernier des huit points du manifeste adressé par l’UPP aux candidats) nous répond : « Oui c’est très bien, ça a été mis en place ! ». Un fonds pour la photographie documentaire a été créé, à hauteur de 75 000 €. Il estime que ce fonds a vocation à grandir. Nous n’y croyons pas trop. Nos revendications par rapport à ce fonds de soutien viennent du fait que les agences vont très mal. On le voit bien, avec des photographes comme Rémy Ochlik (NDLR : jeune photojournaliste tué en Syrie, lors d’un bombardement à Homs, le 22 février dernier) : les photographes paient eux-mêmes leur voyage, leur production. Ils doivent développer eux-mêmes leurs images. Toutes ces charges, autrefois réparties, incombent aujourd’hui à une seule personne. C’est un vrai problème. Le principe de création d’un fond de la photographie n’est pas contesté. Reste à savoir comment le financer. La presse a bénéficié d’une subvention d’un milliard, suite aux États généraux de la presse : comment se fait-il que les photographes n’aient pas touché un centime ? C’est une question d’éthique et d’équitabilité.
MDLP : Quel regard portez-vous sur les nouveaux modèles qui apparaissent, comme le crowdfunding ?
FS : Des modèles, peut-être. Des modèles économiques, certainement pas. On s’aperçoit que ce sont de bons moyens pour transmettre des connaissances, mais s’ils rapportent de l’argent, c’est seulement aux très gros poissons. Nous avons un différend avec Wikimedia. Ces derniers ont lancé un appel à contribution communautaire pour que les gens envoient leurs photos… Si nous sommes parfaitement d’accord sur la notion de partage, nous ne comprenons pas qu’une structure comme Wikimedia, dans ces cas-là, lance des appels sous Creative Commons, en autorisant l’utilisation commerciale des images. Quelque chose ne va pas.
MDLP : Les photographes ne deviennent-ils pas des faiseurs d’images, au sens large, à la fois fixes et animées ?
FS : Bien sûr ! Nous avons tenu une table ronde sur le photojournalisme lors de notre congrès. Le photographe Jean-Manuel Simoes parlait des demandes qui émanent des organes de presse. On s’aperçoit que le photojournalisme n’existe plus ! Un photographe n’est plus jamais invité aux conférences de rédactions. On lui demande des images. Il les envoie par FTP. On choisit celles qui accrochent le plus l’œil. Mais la narration journalistique de l’image n’existe plus. Même les photoreporters ne font plus que de la photo d’illustration. Ils ne sont, en effet, plus que des « faiseurs d’images ». Mais je reste optimiste. Nous allons mettre en place une campagne de publicité dans les semaines à venir qui devrait faire parler d’elle…
Propos recueillis par Benjamin Favier
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