À 85 ans, il est toujours au cœur de l’actualité, appareil photo en main. Lors de l’élection de Barack Obama à la présidentielle américaine les 3 et 4 novembre dernier, il était à New York.
On peut lire, dans la rubrique News de son site, sorte de blog irrégulièrement alimenté, ou plus exactement enrichi au fil des voyages du photographes, devenus plus rares avec le temps :
« Besoin de partager la fierté des Américains. Besoin de voir cette grande vague d’enthousiasme. Besoin de montrer cette Amérique qui avait déjà montré son beau visage en 1967 quand elle manifestait contre la guerre du Vietnam avec cette jeune fille tendant une fleur contre les baïonnettes. »
Contemporain de Capa et Cartier-Bresson, fondateurs de l’agence Magnum qu’il finit par rejoindre en 1953, Marc Riboud mesure mieux que quiconque l’analogie entre ces deux moments phares de l’histoire américaine. Il a vu cette jeunesse américaine rebelle farouchement opposée à la guerre du Vietnam dans les années 70. Il est l’un des rares photographes à avoir mis en image le conflit en se rendant à la fois au nord (territoire occupé par le Vietcong, communiste) et au sud (alors République du Sud Vietnam, occupée par l’armée américaine) du pays.
Grand voyageur, il se rend en Inde, en Chine, où il signe son fameux reportage The three banners of China (1966), une immersion inédite dans la Chine de Mao.
Toujours sur son blog, Marc Riboud invoque ses souvenirs personnels de ses voyages en Afghanistan, devant la terrible situation actuelle traversée par le pays :
« Je me souviens, marchant sans crainte dans ces villages, que les fabriques d’armes voisinaient avec les maisons de thé et les marchands de melons, sans étonner personne. Les petits garçons fabriquaient des pistolets au lieu d’aller à l’école, et pas un homme, ne sortait sans son fusil en bandoulière. Fasciné par la beauté des paysages et des hommes, je n’ imaginais pas que ces tribus qui semblaient hors du temps, deviendraient un jour, un des épicentres de toutes les haines du monde ».
C’est donc en anglais que le photographe/citoyen du monde nous accueille sur son site : « Rather than a profession, photography has always been a passion for me, a passion closer to obsession. » Ce qui donne, en français : « Plutôt qu’une profession, la photographie a toujours été une passion pour moi, une passion à la limite de l’obsession. »
Autant le dire d’emblée : ce site est l’antithèse parfaite de celui de Jerry Schatzberg, chroniqué précédemment. Ici, toutes les images sont en accès libre, et en haute définition. Comment ne pas saluer cette initiative quand on découvre la richesse du contenu : la rubrique Archives permet de (re)voir les reportages les plus marquants du photographe. La liste des Personnalités est une sorte d’encyclopédie illustrée des figures les plus importantes du siècle précédent. Si vous n’avez pas le temps de tout consulter - prenez une bonne heure, sinon plus - vous pouvez cliquer sur Portfolio, qui propose une sélection des meilleurs clichés de Riboud. Une sorte de mise en bouche, avant d’y revenir plus longtemps.
Les clichés qu’il a pris de cette Amérique en pleine euphorie lors de l’élection d’Obama montrent bien le profond optimisme de cet homme, malgré toutes les horreurs dont il a été témoin. Comme il le dit si bien lui-même, la photographie joue un rôle prépondérant dans l’entretien de son état d’esprit, et peut-être, dans sa longévité :
« Mon obsession : photographier le plus intensément possible la vie la plus intense. C’est une manie, un virus aussi fort pour moi que le réflexe d’indépendance. Et si le goût de la vie diminue, les photos pâlissent parce que photographier, c’est savourer la vie au 1/125 de seconde. »
Crédits photos : Marc Riboud