Laurence Von Thomas est photographe et fondateur de Reflex. L’entreprise basée à Londres vient de lancer le Reflex 1, son premier appareil argentique. Le boîtier manuel 35 mm, se voulant « une interprétation moderne des anciens appareils photo argentiques, repensé pour la génération numérique », est actuellement en financement sur Kickstarter.
Le Monde de la Photo : Quelle est la genèse de ce projet visant à lancer le Reflex 1, un appareil argentique ?
Laurence Von Thomas : En 2010, j’ai créé le tumblr If you Leave, promouvant les jeunes photographes en exposant leur travail en ligne puis plus tard, en 2014, un concours pour sélectionner des photographes à exposer en galerie. En cherchant des prix à remettre aux finalistes, je me suis dit qu’il serait intéressant d’offrir un appareil photo d’autant plus que j’avais remarqué que mon tumblr intéressait beaucoup de photographes utilisant l’argentique. En cherchant des reflex argentiques, je me suis rendu compte que seul Nikon continuait à en créer et que le monde de la photo avait beaucoup changé : les technologies liées à ce type d’appareils devenaient rares tout comme celle de beaucoup de vieux appareils aujourd’hui disparus. J’ai donc décidé d’en créer un moi-même. Après quelques esquisses et des recherches sur la photo argentique, j’en ai conclu qu’il y avait une réelle demande. Reflex est la première start-up à créer un tel projet.
MDLP : Le Reflex est donc un projet qui a plus de 6 ans. Pourquoi avoir attendu 2017 pour le lancer ?
L V.T : Il y a quelques années, le développement de prototypes aurait été beaucoup trop cher, mais l’arrivée des imprimantes 3D a rendu le projet possible. Au niveau de l’investissement aussi, beaucoup de choses ont changé : les plates-formes comme Kickstarter ont démocratisé le processus de financement et lorsque j’ai lancé mon projet, j’avais déjà un public d’intéressé qui me suivait sur tumblr ou Instagram. C’est donc une combinaison de tous ces facteurs (technologies, réseaux sociaux…) qui a rendu ce projet faisable. Lancer Reflex il y a 5 ans aurait été juste impossible.
MDLP : Quelles sont les particularités de ce boîtier manuel ?
L V.T : Comme les appareils récents, le Reflex 1 est moulé par injection en alliage de magnésium, ce qui lui offre plus de stabilité que les appareils argentiques d’hier. Parmi ses autres particularités je peux aussi citer une monture d’objectif interchangeable (Nikon F, Olympus OM, Canon FD, Pentax PK, M42), permettant aux photographes d’utiliser des objectifs de marques différentes et un dos interchangeable facilitant notamment la manipulation des pellicules 35 mm. L’appareil fonctionnera aussi avec une application (Reflex App) pour personnaliser ses paramètres ou d’enregistrer les réglages utilisés lors de la prise de vue. Les utilisateurs pourront aussi le modifier ou créer des éléments modulaires grâce par exemple à Arduino, une plate-forme open source proposant des outils permettant programmer des fonctionnalités et adapter les appareils à leurs besoins.
MDLP : En quoi se distingue-t-il finalement des autres appareils du même type ?
L V.T : Je dirais que ce qui fait sa différence principale est qu’il est totalement adaptable et universel. Étant donné que nous ne fabriquons que le boîtier, et non les optiques, nous n’avons aucun intérêt à créer un produit qui soit compatible qu’avec un seul type d’objectif. Les photographes ont donc beaucoup plus de choix et de flexibilité.
MDLP : À sa sortie, les fichiers du Reflex 1 seront disponibles en open source. Pourquoi ce choix ?
L V.T : C’est une philosophie qui je pense fait partie de ma génération ; une génération qui a grandi avec Internet, dans un monde où le partage d’idées et d’informations aide au développement et promeut l’innovation. Je ne crois pas aux brevets. Pour moi, ils restent liés au monde des entreprises dans lequel le développement de produit reste secret afin de récolter le plus de profits. Je pense que le partage des idées et le fait de permettre à d’autres de modifier ou d’améliorer l’appareil participent au progrès. En tant que start-up, ça nous pousse aussi à aller plus loin et à continuer à innover.
MDLP : À ce jour, vous avez récolté près de 130 000 £ (100 000 £ étaient requises pour que le projet aboutisse). Quelles améliorations pensez-vous apporter au produit ?
Nous souhaiterions développer différentes montures d’objectifs et éventuellement proposer le Reflex 1 en noir.
Le site de Reflex
Reflex sur Kickstarter
Propos recueillis par Sandrine Dippa