Le photographe suisse est décédé hier à l’âge de 81 ans, des suites d’une longue maladie. Connu pour ses portraits de grandes personnalités du siècle dernier, il fut l’un des photographes les plus importants de l’agence Magnum, qui aimait alterner entre clichés colorés et monochromes.
Bien avant de photographier le Che à La Havane en 1963 (voir la couverture de l’album consacré par RSF au photographe en 2011), René Burri montre des prédispositions pour le portrait historique. En 1946, il saisit Churchill debout dans une limousine à Zurich, avec le Kodak de son père. Il a seulement 13 ans. Il utilise un Leica lors de son service militaire, puis réalise des documentaires entre 53 et 55, après des études de graphisme.
Le déclic intervient lors de sa rencontre avec le photographe allemand Werner Bischof, qui le présente à Magnum Photos en 1955 : René Burri rejoint l’agence quatre ans plus tard en tant que membre permanent. Réputé solitaire, il tient néanmoins à effectuer une photo de groupe à chaque réunion des membres des l’agence Magnum, au fil des ans. Cartier-Bresson compris, malgré la volonté de ce dernier de rester anonyme.
Plus que ses voyages dans des dizaines de pays différents, ce sont les portraits réalisés par Burri qui demeurent ses photos les plus marquantes (voir portfolio sur le Monde.fr). Parmi toutes les personnalités qu’il a photographiées, dont de nombreux artistes et hommes politiques, Picasso, Giacometti et Che Guevara en tête, le photographe s’est toujours senti proche des architectes. Lui qui étudie la composition et le graphisme dans sa jeunesse noue une grande amitié avec Oscar Niemeyer et apprécie la compagnie de Le Corbusier ou Luis Barràgan.
Contrairement à l’illustre co-fondateur de Magnum, il n’était pas un apôtre de l’instant décisif. Il militait pour une « succession de mouvements ; ce moment intense que l’on voudrait prolonger jusqu’à ce qu’il se transforme en séquence », explique-t-il dans un entretien à Libération en 2004, à l’occasion d’une rétrospective qui lui était consacrée à la Maison européenne de la photo.
S’il photographie la plupart du temps en noir et blanc, il s’évertue à jongler sans cesse avec la couleur. Une autre différence majeure avec Cartier-Bresson, qui considérait la couleur comme un domaine réservé à la peinture (lire Le tir photographique, de Clément Chéroux, éditions Gallimard) : la curiosité de Burri est alors dopée par la demande croissante de ses clients pour des images couleur dès les années 50. En 1958, il réalise un reportage en Argentine sur les derniers gauchos avec un Rolleiflex, un Leica, des pellicules Tri-X et Kodachrome.
Son livre le plus important, Les Allemands, paru en 1963, repose cependant sur des clichés monochromes. L’ouvrage Impossibles réminiscences, publié l’an dernier chez Phaidon, fait la part belle à sa production en couleur. L’auteur a passé huit ans à établir cette sélection d’images réalisées en parallèle de son métier de photojournaliste. D’où cette citation, en quatrième de couverture : « En tant que photographe, j’ai mené une double vie : l’une en noir et blanc, l’autre en couleur. »
Crédit image en tête d’article : Autoportrait, Coronado, Nouveau-Mexique, 1973. © René Burri/Magnum Photos
L’album de RSF consacré à René Burri
Impossibles réminiscences, de René Burri, éditions Phaidon, 280 x 315 mm, 240 pages, 85 €