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Fin des CCD Sony : pas de confirmation, mais…

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20/04/2015 | Franck Mée

Depuis deux mois, plusieurs entreprises ont annoncé la fin prochaine des produits d’imagerie équipés en capteurs CCD, expliquant que Sony allait mettre fin à la production de ceux-ci. Le constructeur ne confirme pas, mais tout indique que le moment est venu de passer au Cmos.

Tout commence fin janvier, avec la publication d’une lettre attribuée à Sony Semiconductors – la division produisant notamment les capteurs – annonçant la fin de fabrication de filtres pour capteurs CCD. « Sur cette base, nous avons peur de devoir arrêter la production de CCD d’ici la fin septembre 2016 », annonce le président Toshiro Kurusu, avant de préciser l’agenda : commandes de masses fermées en août 2015, arrêt de la chaîne de gravure en septembre 2016, dernières livraisons de produits finis d’ici mars 2020.

Ensuite, les annonces tombent les unes après les autres : Allied Vision, Basler, Framos, IDS Imaging, IMV Europe, Vision Systems… La plupart des entreprises produisant des outils d’imagerie à destination de l’industrie, de la sûreté ou du domaine médical donnent sensiblement les mêmes informations : Sony arrêtera la production de capteurs CCD fin 2016 ou, au plus tard, début 2017.

Chez Sony Semiconductors, en revanche, la tendance est au silence. La seule réponse que nous avons obtenue est plutôt laconique : « Sony n’a pas l’intention d’abandonner les gammes de produits utilisant la technologie de capteurs CCD ». Les dernières annonces du constructeur, en revanche, font la part belle à l’augmentation de production des capteurs Cmos, qui devrait croître de 45 % dans les dix-huit prochains mois.

Ni alarme, ni surprise

Du côté des clients utilisant des CCD Sony industriels, le message est clair : pas de soucis, les Cmos sont prêts à prendre le relais et le feront sans coup férir d’ici la fin des livraisons de capteurs CCD. Quant à ceux qui persistent à utiliser des CCD sur les appareils photo d’entrée de gamme (comme l’Ixus 170 ci-dessous), aucun n’a commenté pour l’instant, mais le cycle de vie généralement annuel de ces produits fait que 2020 est encore un horizon assez lointain pour trouver un autre fournisseur ou passer tranquillement au Cmos.

C’est d’ailleurs sans doute ainsi qu’il faut comprendre le commentaire de Sony : la marque n’abandonnera pas ces gammes de produits… tant qu’elles existeront. Mais elles pourraient être très bientôt remplacées par d’autres, utilisant d’autres technologies.

Voyons les choses en face : que reste-t-il aux CCD ? Longtemps, ils ont profité d’une meilleure qualité d’image en haute sensibilité grâce à leur amplification plus homogène, d’une meilleure qualité d’image en basse sensibilité grâce à leur dynamique supérieure et à leur faible bruit de lecture, d’une meilleure stabilité des performances lorsque la température augmente, et d’une meilleure sensibilité à l’infrarouge – qui peut être vue comme un inconvénient en photographie, mais est un avantage dans le médical, la surveillance et l’industrie.

Inversion de tendance

En photographie, nous avons constaté depuis longtemps que les Cmos ont dépassé les capacités des CCD. C’est d’abord la sensibilité sur les capteurs de reflex comme le Nikon D90, puis la dynamique et la qualité en basse sensibilité qui ont progressé. L’an passé, même les moyens-formats sont passés au Cmos, signe que ces capteurs avaient comblé leurs dernières lacunes pour le travail en studio (les CCD étaient notamment réputés pour avoir une reproduction plus fiable des couleurs).

Du côté des applications plus spécifiques, Adimec, fabricant d’appareils de surveillance et de vision industrielle, a récemment publié une série de face-à-face entre CCD et Cmos. La comparaison du bruit de lecture (particulièrement visible lorsque la lumière est très faible) est spectaculaire, expliquant pourquoi un Nikon D4s ou un Sony Alpha 7S peuvent atteindre 400 000 Iso tandis que même le Leica M Monochrom, équipé d’un CCD plein format sans filtre de Bayer (et donc plus sensible), plafonne à 10 000 Iso.

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Efficacité quantique / bruit de fond pour les CCD et les Cmos à différentes températures, selon la longueur d’onde. Document Adimec.

Mais c’est la comparaison de l’efficacité des CCD et des Cmos, mesurée par le rapport entre efficacité quantique et bruit de lecture, qui est la plus parlante. En 2011, le rapport des Cmos était environ la moitié de celui des CCD. En quatre ans, les CCD n’ont quasiment pas progressé, tandis que les Cmos ont quadruplé leur performance et sont passés largement devant. Et ce, même dans l’infrarouge (sur la droite du schéma ci-dessus, au delà de 750 nm).

Les plus maniaques noteront que même la capacité du capteur à conserver réellement les détails d’un très bon objectif a progressé sur les Cmos : traditionnellement, ces capteurs souffraient de crosstalk, c’est-à-dire d’un débordement d’électrons sur les photosites adjacents, qui réduisait légèrement le micro-contraste. Désormais, les Cmos ont rejoint les CCD sur ce point, et sont même meilleurs dans l’élimination du crosstalk pour les grandes longueurs d’onde – autrement dit, encore une fois, l’infrarouge.

La fin de la jelly

Il reste tout de même un point où les Cmos actuellement sur le marché sont désavantagés : l’obturation électronique. Les CCD ont naturellement un obturateur global : tous les photosites sont réinitialisés et lus simultanément. Les Cmos utilisent un obturateur rotatif (souvent plus connu sous le nom anglais rolling shutter), qui lit ligne par ligne ; il y a donc un délai entre le haut et le bas de l’image, qui se traduit par des déformations des lignes verticales sur les mouvements panoramiques et un « effet jelly » particulièrement désagréable lors de vibrations.

L’effet peut être très visible lorsque la vitesse d’obturation est élevée et le mouvement régulier, comme nous l’avons noté en testant le Panasonic GH4 – qui n’est pourtant pas moins bon que la moyenne dans ce domaine. Vaguement gênant en vidéo, l’obturateur rotatif peut être un vrai problème en vision industrielle, lorsqu’il est nécessaire d’observer très précisément un phénomène physique ou de pouvoir mesurer des distances sur l’image.

Ce n’est, du coup, peut-être pas un hasard si les annonces de mort du CCD suivent de peu le lancement des premiers Sony Pregius, les Cmos à obturateur global de la marque. Utilisant comme les CCD une mémoire tampon, ils permettent d’assurer la simultanéité de capture de l’ensemble de leur surface, tout en conservant les avantages habituels des capteurs Cmos.

Avec ceux-ci, il devient très difficile de trouver un avantage technique au capteur CCD, quel que soit le critère retenu. Dès lors, que Sony investisse massivement sur le Cmos paraît logique et même s’il continue à fournir les clients de CCD, il paraît évident que les produits utilisant cette technologie sont voués à devenir de plus en plus rares dans tous les domaines – et plus seulement en photographie.

Non seulement cette annonce n’a rien de choquant, mais elle s’inscrit donc dans une parfaite logique : une sorte de darwinisme technique qui fait que, lorsqu’une solution devient réellement plus performante dans tous les domaines, elle finit par éradiquer les autres…

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