Alors que la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Sotchi, en Russie, se déroulera dimanche, le photographe de l’agence Getty Images Pascal Le Segretain revient sur ses conditions de travail sur place : sujets, qualité des infrastructures, matériel utilisé, concurrence… Il qualifie ces deux semaines de travail de véritable « marathon ». Demain, nous publierons un autre entretien avec un technicien, en charge de la logistique pour l’équipe éditoriale de Getty Images sur le terrain.
Vous alimentez la rubrique « Entertainment » à Sotchi : en quoi cela consiste-t-il ?
Mon rôle à Sotchi consiste à porter un regard plus « people » sur l’événement. Notamment en captant les réactions des familles royales présentent dans les tribunes, venues supporter leurs athlètes ; ce que les photographes de sport de Getty Images ne peuvent pas faire, car ils doivent rester concentrés sur ce qui se passe sur la piste.
Avez-vous reçu des consignes particulières de la part du gouvernement russe ou des organisateurs ?
Fort de l’expérience de mes multiples séjours effectués en Russie dans les années 90, je m’attendais à ce que ces J.O de Sotchi soient compliqués en termes de sécurité, de transports, d’accès et d’organisation. En réalité, pas du tout. Tout a été fait pour que nous puissions travailler dans les meilleures conditions. Les sites sont très bien desservis, faciles d’accès et relativement concentrés. Les transports fonctionnent parfaitement et les contrôles sont efficaces et rapides. Je n’ai pas reçu de consignes particulières de la part du gouvernement russe, ni des organisateurs et je n’ai à aucun moment été confronté à des interdictions de photographier en dehors des sites olympiques.
Des supporters russes attendent le départ des épreuves de combiné nordique par équipe, le 20 février, à Sotchi. Photo : Pascal Le Segretain/Getty Images
En tant que photographe d’agence, comment gérez-vous la concurrence ?
Ce sont mes deuxièmes J.O d’hiver après ceux de Turin en 2006. Quinze jours longs et intenses où on enchaîne des journées de plus de 14 heures. Cela étant, la fatigue est la même pour tout le monde. J’ai toujours fait mon travail sans vraiment me soucier de la concurrence. Il faut juste bien négocier le passage du « mur », tout en restant concentré jusqu’au bout. Bref, ne rien lâcher. En fait, les J.O c’est comme un marathon ! Les journaux et magazines veulent avant tout de bonnes images et attendent de nous que nous leur fournissions ce qu’ils ne trouveront pas ailleurs. À nous d’être les plus créatifs possible pour faire la différence.
Quel matériel utilisez-vous ?
J’utilise des reflex Nikon D4, toutes les optiques entre 24 mm et 600 mm, un monopode et j’ai toujours un ordinateur avec moi pour pouvoir transmettre rapidement au cas où.
Le Prince Frederik du Danemark prend la pose avec l’athlète danois Martin Muller lors des Jeux olympiques de Sotchi, en Russie, le 20 février. Photo : Pascal Le Segretain/Getty Images
Combien de photos transmettez-vous par jour ? Faites-vous uniquement des Jpeg ? Réalisez-vous des séquences vidéo ?
Cela varie en fonction des événements couverts. Sur la descente homme, par exemple, j’ai fait 2900 photos, mais c’est exceptionnel car sur cette épreuve, il y a beaucoup de pression, il ne faut rien rater ! Réactions, gestes, joies, déceptions, larmes, chaque photo compte et ça va très, très vite. C’est la raison pour laquelle on appuie un peu plus sur le bouton. Sur ce type d’évènement, pour des questions de rapidité nous ne travaillons qu’en Jpeg : les volumes sont tellement élevés (approximativement plus d’un million de fichiers ingérés d’ici à la fin des J.O) que les fichiers Raw seraient trop lourds à traiter et ralentiraient dramatiquement la chaîne. Et il n’y a pas de vidéo encore à ce jour sur ce type d’évènement.
Quelles sont les principales contraintes pour photographier dans le froid et la neige ?
Pour le slalom géant femme, nous avons passé la journée sous une pluie battante. Bien sûr, il existe des protections pour les appareils contre la pluie, mais l’eau finit toujours par rentrer. Le pire, c’est quand la buée s’y met et qu’il devient impossible de voir quoi que ce soit dans le viseur. Les cadrages sont du coup moins rigoureux, il vaut mieux renoncer à composer serré, quitte a devoir recadrer un peu. Enfin, le froid altère les performances des batteries : j’en ai toujours quatre d’avance dans mon sac.
Quelles sont les évolutions que vous souhaiteriez voir arriver au niveau de votre matériel ?
Les boîtiers ont beaucoup évolué et sont vraiment très performants aujourd’hui. Ce que j’attends le plus ce sont des optiques moins lourdes : 17 kg, c’est le poids moyen transporté chaque jour par un photographe aux Jeux olympiques.
1987 Intégration du staff de l’agence Sipa Press.
1990 Intégration du staff de l’agence Sygma.
1991 Mention honorable au World Press Photo.
1995 Prix Georges Bendrihem.
2002 Intégration du Staff de l’agence Getty Images. (2012 Royal Photographer of the Year. Getty Images contest).
Le site de Getty Images
Lire l’entretien avec un technicien de Getty Images lors des Jeux de Sotchi
Lire sur le même thème un entretien avec un photographe de l’AFP lors du Tour de France 2013