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Sylvie Hugues : « Le festival est aussi ambitieux que les autres années, voire plus »

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01/10/2021 | Sandrine Dippa

La sixième édition du Festival du Regard débute aujourd’hui à Cergy-Pontoise. Cette année, la manifestation accessible gratuitement est rythmée par une programmation autour de l’intime et de l’autofiction avec des images de Marc Riboud, de Franck Landron, de Kourtney Roy ou encore de Nobuyoshi Araki pour n’en citer que quelques-uns. Sylvie Hugues, codirectrice artistique du festival, nous parle de l’événement. 

Le Monde de la Photo : Comment appréhendez-vous cette édition après un 5e festival fortement impacté par la pandémie ?
Sylvie Hugues : Lors de la précédente édition, effectivement nous avons été obligés de fermer au bout de trois semaines alors que le festival durait deux mois. Ça a été très frustrant. Cette année, nous avons donc envisagé les choses avec un peu d’inquiétude forcément mais, nous sommes assez confiantes. On nous demande juste de contrôler les pass sanitaires. Il s’agit d’une mesure qui nous est imposée et a priori une nouvelle fermeture n’est pas à l’ordre du jour même s’il est vrai qu’avec ce contexte la situation peut encore évoluer. En cette période d’incertitude et de Covid, il a fallu faire et avancer. Nous avons fait comme si tout allait bien d’autant plus que nous savons que le public attend le festival : lorsque nous avons dévoilé la programmation, il y a eu beaucoup de retours positifs. Le festival est aussi ambitieux que les autres années, voire plus. Nous avons misé sur des scénographies assez sophistiquées. Nous n’avons pas fait d’économies budgétaires en pensant à une éventuelle fermeture. Au contraire, nous nous sommes dit qu’il fallait rester fidèle à nos engagements et proposer un programme de qualité accessible au public qui montrerait des choses autour du thème de l’intime et de l’autofiction de haut niveau. 

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Photo : Nobuyoshi Araki, courtesy galerie in Camera, Le voyage sentimental
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Photo : Franck Landron, Italie, 1983

MDLP : Expliquez-nous l’origine de ces thématiques que sont l’intime et l’autofiction et le choix des auteurs exposés ?
S.H : Il s’agit de thématiques récurrentes dans l’histoire de la photographie. Quand nous pensons à ce médium, nous nous rendons compte qu’il a beaucoup servi à découvrir le monde, à aller vers les autres et à plonger dans l’intime. Je pense notamment à ceux qui sont partis avec des chambres en Égypte pour rapporter des photographies des pyramides, au Japon ou d’autres destinations lointaines pour montrer à quoi ressemblait le monde. Il y a aussi eu les reporters qui allaient sur les terrains pour témoigner des conflits. Sans compter que depuis les années 80, Nan Goldin, Araki et tous leurs héritiers comme Antoine d’Agata ont tourné l’appareil vers eux-mêmes pour raconter avec la photographie leur vie intérieure avec l’ambition que leur expérience propre devienne universelle et touche tout le monde. Ce qui est compliqué, c’est de savoir en quoi des photographies de l’intime peuvent intéresser d’autres personnes. Nous avons donc sélectionné les travaux d’auteurs suffisamment forts qui ont un langage universel. Ça a été tout le pari. L’autofiction, quant à elle, correspond bien à notre époque. Elle raconte comment chacun s’inscrit dans le monde. Je pense, par exemple, à la série de Jen Davis qui relate ses problèmes d’obésité et montre comment la photographie lui a permis au travers de l’autoportrait de se réapproprier son image et de combattre son complexe. Je trouve que ce sont des thèmes qui sont vraiment d’actualité.

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Photo : Kourtney Roy, Enter as fiction
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Patrick Taberna, courtesy galerie Camera Obscura, Saint-Jean-de-Luz, France, 2002

MDLP : Comment avez-vous pensé les expositions visibles en grande partie dans l’ancien bâtiment de La Poste de Cergy-Préfecture jusqu’au 21 novembre ?
S.H : Pour la première fois, nous sommes deux années consécutives dans l’ancienne Poste, un bâtiment des années 70 resté dans son jus qu’il a fallu investir et réimaginer. C’est une édition assez particulière car il y a beaucoup de textes en regard des photographies. Il y aura, par exemple, des extraits du livre écrit par Catherine Chaine Riboud, la femme de Marc Riboud paru aux éditions du Seuil en 2004 pour illustrer la série Clémence de Marc Riboud. J’avais été très marquée par son récit à sa sortie. Il raconte, sans fard, la joie et la douleur d’avoir une fille porteuse de trisomie 21. Nous avons mis en regard les photographies de Marc Riboud et ce texte aussi cru que tendre. Pour certaines séries, en dehors des éléments biographiques de l’auteur, nous n’avons pas de texte. Je pense au travail de Deanna Dikeman, Leaving and waving. Pendant 27 ans, elle a photographié ses parents au moment de leur dire au revoir après leur avoir rendu visite. Ce sont de petites photographies, de la taille d’une carte postale que nous avons choisi de poser sur des étagères afin que les visiteurs puissent voir les 27 ans défiler sous leurs yeux. À un moment, au fil des clichés, le père disparaît et la dernière image montre une photographie de la mère seule puis la maison fermée. C’est très touchant. Les images parlent d’elles-mêmes. Pour d’autres expositions, comme pour le travail de Sylvia Ney qui s’inspire de Flaubert, nous avons choisi d’ajouter des citations de l’écrivain car il s’agit d’une série très narrative et littéraire. 

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Photo : Marc Riboud, Clémence
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Photo : Deanna Dikeman, Leaving and waving, 1991

MDLP : Comment souhaiteriez-vous faire évoluer le festival ?  
S.H  : Le festival est très attendu des Cergyssois, c’est devenu un rendez-vous. Ce qui n’était pas gagné car contrairement au street art ou à la musique, il y avait peu de culture photographique dans la ville. Je souhaiterais avant tout le faire perdurer ce qui n’est pas évident car nous sommes un festival nomade. Chaque année nous investissons un lieu différent et l’année prochaine nous ne savons pas où nous serons. Ça sera peut être un nouveau challenge d’habiter un nouveau lieu. Avec Mathilde Terraube, la co-directrice artistique du festival, nous espérons que l’agglomération de Cergy-Pontoise va continuer à nous soutenir. Nous aimerions aussi faire plus de visites avec les scolaires et plus d’actions avec les acteurs locaux. Nous travaillons déjà avec une école avec qui nous faisons un atelier photo ainsi qu’avec une association qui s’occupe de détenus en réinsertion. L’année prochaine, nous devrions travailler avec un promoteur immobilier afin de réaliser une opération avec les habitants. L’idée est donc de perdurer et d’avoir plus d’interactions avec les territoires et les acteurs locaux.

- Le site du Festival du Regard

Crédit image d’accueil : Jen Davis, Untitled No. 58

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