Lorsque nous pénétrons dans la finca, nous sommes loin d’imaginer chez qui nous venons de mettre les pieds. Cette demeure est celle de don Alejandro Robaina, l’un des plus grands veguero dans le monde, au point que Cuba, pour célébrer l’art de cet homme, ait décidé de lui dédier une vitole, chose rarissime pour un contemporain. Les premiers à nous accueillir sont ses petits enfants. Derrière eux, dans l’encadrement de la porte d’entrée, se dresse la silhouette d’Alejandro Robaina.
©Wilfrid Hoffacker / Journal Photographique
Immédiatement, nous sommes subjugués par le charisme de cet homme. Son regard, vif, perce au milieu d’un visage buriné par le temps. À 88 ans, il porte des rides magnifiques tandis que le pas se fait plus lent pour gagner sous son porche, un providentiel fauteuil. Autour de lui ses petits enfants l’entourent, sourires, curiosité autour de nos appareils. Nous sommes troublés par cette personnalité touchante qui a consacré sa vie à la culture du tabac. Assis à partager l’intimité de cet homme, nous engageons la conversation autour de sa vie et de Cuba, les GX10 à nos pieds. Robaina court le globe pour la promotion de ses cigares. Il est l’hôte des plus grands de ce monde : présidents, acteurs, chanteurs ou industriels se pressent à sa table. Depuis 1845, sa ferme est considérée comme le meilleur domaine de production du pays. Robaina a la simplicité des grands et Thierry nous confiera plus tard combien il est rare de le rencontrer aussi longuement.
"Un portrait magnifique, hors du temps"
Pendant la discussion, Wilfrid assure et multiplie les images. Bruno lui, attend. Il cherche une idée et un endroit, forcément très proche, où il pourra demander à Robaina de poser, le temps de réaliser le portrait qu’il a en tête. Il inspecte les alentours, mesure la lumière, règle ses Iso en conséquence et calcule son cadrage. Il monte aussi le flash, au cas où… Il sait que ce genre de prise de vue avec des personnalités doit aller vite, sans temps mort et que quand le modèle est placé, il est trop tard pour se poser des questions. L’entretien prend fin et Bruno sollicite le vieil homme pour quelques secondes supplémentaires. Rompu à ce cérémonial, il accepte. Bruno le place alors dans un endroit ou la lumière est plus douce et il lui demande de porter son cigare à sa bouche. Il lui parle, lui demande un profil, puis un regard... Le temps d’une seconde le courant passe, le GX10 déclenche pour un portrait magnifique, hors du temps.
©Bruno Calendini / www.studionature.com
Nous quittons cette figure avec le sentiment d’un vrai cadeau, d’un grand privilège. Dans la voiture en vérifiant le résultat de cette séance photo improvisée, nous découvrons un visage sublime. Des portraits cadrés serrés sur une peau burinée, véritable illustration du temps qui passe. Des rides magnifiques comme une empreinte intime sur un visage qui nous renvoie à un sentiment de quiétude. Impatients de revoir nos photos de la journée, nous sommes assis, tête baissées, les yeux rivés sur à nos écrans. Le silence règne dans la voiture tandis que Thierry entame le retour vers La Havane qui nous tend à nouveau ses bras.