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World Press Photo : Giovanni Troilo conserve son prix malgré la polémique

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03/03/2015 | Sandrine Dippa

Le photographe de mode italien n’aura finalement pas à rendre son World Press, malgré les polémiques autour de ses clichés : son reportage effectué à Charleroi avait suscité l’ire du maire de la ville qui avait exigé que le prix lui soit retiré. Mais le soutien des organisateurs du concours est loin de faire l’unanimité parmi les photojournalistes.

Il y a tout juste un mois, le jury de la cinquante-huitième édition du World Press Photo récompensait quarante-cinq photojournalistes pour leurs travaux effectués en 2014. Parmi eux, le photographe de mode Giovanni Troilo dans la catégorie « sujets contemporains » pour son reportage « The Dark heart of Europe » (que l’on pourrait traduire par « Le cœur noir de L’ Europe »), consacré à Charleroi en Belgique.

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Maitre Doberman et Klara la Chienne, sa femme, reçoivent des invités dans un bâtiment qui à première vue semble abandonné. Photo : Giovanni Troilo, Italie, Luz Photo / The Dark Heart of Europe

Sur les images représentant « une histoire » de ce qu’il a pu voir sur place, on aperçoit une personne corpulente photographiée chez elle (« Philippe, vivant dans un des endroits les plus dangereux de la ville », décrit la légende) ; un couple dans une voiture en pleine intimité ; une femme inerte la tête sur une table dans un asile ou encore « Maitre Dobermann et Klara la chienne (sa femme) », enfermée dans une cage insalubre dans une pièce abandonnée. La série décrivant la commune comme « une ville près de Bruxelles, qui a connu la chute de l’industrie, et qui connait un taux de chômage en hausse, une immigration croissante et l’éruption de micro-criminalité » est loin d’être au goût de tous.

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Les couples ont l’habitude d’avoir des relations intimes dans les parking. Photo : Giovanni Troilo, Italie, Luz Photo / The Dark Heart of Europe

Dans une lettre (relayée par le site Our Age Is Thirteen) adressée au jury du célèbre concours, Paul Magnette, le bourgmestre de Charleroi exige le retrait du prix au photographe. Il explique : «  (…) Je ne suis certainement pas un expert de la photographie, mais je sais qu’en journalisme, tout comme en photographie, le choix de donner un axe à son sujet est nécessaire et habituel. Néanmoins, (…) cacher certaines perspectives avec de l’information non vérifiée et déformée (…) en faisant de la mise en scène, ce n’est pas le photojournalisme de qualité que vous avez l’habitude de récompenser. (…) c’est pour cette raison que nous vous demandons de retirer le prix qui a été accordé à Mr Troilo (…) ». D’après M. Magnette, ces photos « montées de toutes pièces » véhiculent des clichés sur sa commune sont loin de la réalité. En outre, il insiste sur le fait que les mises en scène n’ont rien à voir avec le photojournalisme. Elles n’ont donc pas à être primées. Un des personnages immortalisé par le photographe s’est d’ailleurs confié sur les conditions de la prise de vue : « Le photographe m’a demandé de poser pour lui, dans mon intérieur, et a demandé à ce que je sois torse nu (…). Les deux artistes (…) ne cachaient pas qu’ils mettraient en scène leurs photos, disant clairement qu’ils ne faisaient pas un reportage, mais un travail photo. »

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Une femme dans un asile psychiatrique. Photo : Giovanni Troilo, Italie, Luz Photo / The Dark Heart of Europe

Après avoir mené une enquête, le World Press Photo s’est positionné, via un communiqué publié sur le site, et a décidé de maintenir le prix du photographe. « Le jury ne voit aucune raison de mettre en doute l’intégrité du photographe dans l’exercice de son travail », ont-ils expliqué. « Aucun fait trompeur n’a été découvert dans les légendes des photos. »

Une prise de position ambiguë, qui fait couler beaucoup d’encre. En maintenant le prix, malgré un règlement strict, qui bannit toute mise en scène en dehors de la catégorie « Portrait », le World Press apparaît en contradiction. Dans un article du Monde, des figures de la profession ont fait part de leur désapprobation.

L’ancien lauréat Kenneth Jarecke déplore la situation : « Cette décision est une justification des pratiques des publications qui ne paient plus pour produire un photojournalisme de fond, et commandent des travaux artistiques conceptuels, qui n’ont pas besoin d’investissements longs sur le terrain. »

Pour Jean François Leroy, directeur du festival de photojournalisme Visa pour l’image, le World Press vient de « se tirer une balle dans le pied » et de « perdre toute crédibilité. »

- Crédit photo d’accueil : Philippe vit dans l’un des endroits les plus dangereux de la ville. © Giovanni Troilo, Italy, Luz Photo - The Dark Heart of Europe

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