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Acquérir une culture photo

Materiel
03/11/2021 | LAURENT KATZ

Acquérir une culture photo peut prendre plusieurs chemins. Le plus instinctif est de se procurer une encyclopédie, par exemple Tout sur la photo, panorama des mouvements et des chefs-d’œuvre (Flammarion). Mais 550 pages plus loin, aura-t-on retenu des idées-forces devant l’amoncellement d’images et d’informations ? Sera-t-on plus armé pour une pratique personnelle ? Par ailleurs, des livres comme ceux de David Duchemin, trop verbeux, se résument facilement par quelques principes sans doute insuffisants et il faut les compléter par des ouvrages détaillant plus les aspects esthétiques, les conditions de prise de vue et de présentation. Tous restent utiles, mais l’approche de Acquérir une culture photo est d’une rare originalité.

Le livre, écrit à deux mains, par Jean-Christophe Bechet (photographe, journaliste et éveilleur de conscience photographique) et Samuel Decklerck (professeur de philosophie et photographe amateur) peut concilier de multiples approches. Non pas qu’il déroule une histoire de la photographie et des courants, pas plus qu’il ne cumule jusqu’à plus soif les conseils pour expliquer ce qu’est une démarche intellectuelle et technique – sans pour autant négliger cet aspect, loin de là.

Les quatre piliers du livre

« La photographie créative d’art et d’auteur est la seule qui nous intéresse ici », indique JCB. Est-elle le fruit de la culture photographique et repose-t-elle sur elle ? Pour les auteurs, il s’agit d’une évidence. Après débat, ils ont choisi une approche reposant sur quatre genres photographiques, le Portrait, le Paysage, la Photo de rue et La photo conceptuelle, créative et plasticienne. Cette sélection permet de poser le débat avec plus de facilité que des considérations généralistes tous genres confondus. Et il y a des passerelles entre les quatre, ce qu’explique un dialogue préliminaire entre les deux auteurs. Le plus délicat à traiter, sinon à lire, est la dernière section, ce genre multiforme est moins pratiqué par une majorité d’amateurs et son traitement manque d’illustrations. JCB présente cependant quelques exemples issus de sa photothèque, mais assez « classiques » comparés à ce que des spécialistes du genre proposent. Sans doute la conséquence de l’équation économique qui régit la production d’un livre, impliquant la recherche d’autorisations, le paiement de droits d’auteurs et une pagination accrue.

Ce qu’il faut attendre du livre est la réflexion, la sortie des sentiers battus et de la routine. Et pour cela le questionneur et le questionné y excellent. Difficile de parler en détail du contenu sans le paraphraser et dérouler des pages de commentaires, tant les thèmes fusent au fil des pages. Et le résumer par un dialogue sur la photo serait trop réducteur. De nombreux photographes sont mentionnés et des bibliographies sélectives émaillent chaque section, une par auteur, pour nous présenter leur best of. La technique n’est pas oubliée, mais à faible dose, pour soutenir le minimum qu’il faut prendre en compte pour une pratique dégagée de la pesanteur des réglages du matériel moderne. Mais on n’est pas chez Michael Freeman ou Tom Ang qui ont commis des volumes encyclopédiques sur le sujet. Pour illustrer son propos, Jean-Christophe fait appel à sa grande culture historique et esthétique de la photographie et le discours qui aurait vite pu tourner à l’intellectualisme devient facile à suivre, toujours passionnant.

Un livre, plusieurs lectures

Un conseil. Lisez le livre plusieurs fois. D’une traite au départ, car on est vite happé par le contenu… et il ne s’agit pourtant pas d’un thriller haletant ! Puis retournez-y par paliers… et plaisir. Vous y redécouvrirez des idées sur lesquelles une unique lecture ne permet pas de s’appesantir. De sujets de discussion aussi, car on n’est pas forcément d’accord sur tout, JCB en convient lui-même. D’ailleurs, de nombreux points évoqués pourraient amener de prolifiques débats dans les clubs photo. Et si le lecteur trouve que sa production tend à ronronner ou reste inaboutie, la lecture l’amènera à une salutaire introspection.
Le livre peut s’aborder comme la découverte d’une ville : une première lecture globale, une autre pour pénétrer le travail des photographes ou plasticiens cités. Une troisième plus réfléchie, pour aborder les sections selon l’axe qui vous convient : les visiter comme autant de quartiers, ou se poser sur une thématique particulière à l’image d’une visite de musée. Le livre est vraiment une pépite et l’on aimerait bien qu’il se prolonge par un autre volume. Dans l’attente, vous pouvez toujours vous pencher sur Influence de Jean-Christophe, paru aux Éditions de la Martinière.

Conclusion provisoire

Une phrase m’a beaucoup plu, d’autant qu’après des années colorées par l’usage du zoom, j’ai repris goût à l’usage des focales fixes, des sorties avec une ou deux optiques et une pensée partagée que j’ai retrouvée sous la plume de JCB : « Il faut accepter l’idée de la frustration, de ne pas pouvoir tout photographier tout le temps », ce qui entre en résonnance avec ce qui est dit quelques pages avant, à savoir que les contraintes choisies sont le signe d’un travail d’auteur. Une anecdote dans la dernière section est significative de l’état d’esprit de JCB qui, ayant accueilli un photographe de Vilnius, a observé ses images, montrant une vision convenue de Paris. Lui demandant ce qui l’avait marqué dans la capitale, celui-ci lui a confié avoir été surpris par le nombre de yaourts différents dans un supermarché et par la gratuité des sacs plastiques à la Fnac. Et de conclure que ce photographe aurait plutôt dû effectuer un travail personnel pour présenter la capitale sur ces deux critères ! La leçon que tire JCB de cette anecdote pourrait constituer, non pas une conclusion du livre, mais une idée-force à retenir : que « l’important n’était pas de bien photographier le réel, mais plutôt de trouver une écriture photographique pour exprimer " son " réel, celui que l’on ressent d’une façon singulière ».

-  Acquérir une culture photo, de Jean-Christophe Béchet et Samuel Decklerck

  • 17 x 21 cm, 200 pages
  • 28 € (version papier,) 19,99 € (format numérique)
  • Édition Eyrolles

- Sommaire

  • Quelques mots avant de commencer
  • Le portrait
  • Le paysage
  • La photo de rue
  • La photo créative, plasticienne et conceptuelle
  • Conclusion

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