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Bob Dylan mis à nu par l’œil de Daniel Kramer

12/03/2012 | Benjamin Favier

L’exposition consacrée à Bob Dylan à la Cité de la musique, à Paris, revient sur le début de la carrière de l’artiste. Au milieu des nombreux objets et documents proposés au public, les images de Daniel Kramer apportent un éclairage indispensable sur le mythe.

« Dylan par Kramer ». Presque une exposition dans l’exposition. La série d’images prises par le photographe américain entre 1964 et 1965 occupe une place à part dans l’espace dédié à l’événement « Bob Dylan, l’explosion rock 61-66 » à la Cité de la Musique. Affichées le long d’un mur, les soixante clichés noir et blanc de Daniel Kramer font écho à trois petites salles, où l’on apprend comment Robert Zimmerman, gamin du Minnesota, est devenu Bob Dylan, figure emblématique de la contre-culture aux États-unis dans les années 60.

Rencontre

Il est considéré comme le « photographe le plus étroitement lié à Dylan » par le magazine américain Rolling Stones. Daniel Kramer découvre Dylan en 1963 à l’occasion d’un concert retransmis à la télévision. Il se souvient de son interprétation du titre The lonesome death of Hattie Caroll. Il est alors subjugué par le talent de ce jeune homme issu du Minnesota, qui enflamme les clubs new-yorkais de Greenwich Village depuis deux ans, alternant chant, guitare et harmonica avec une aisance déconcertante.

Photo : Daniel Kramer

Il contacte l’entourage du chanteur pendant sept mois pour décrocher une entrevue, convaincu qu’il tient un bon sujet. Il l’obtient en 1964, à Woodstock, chez le manager Albert Grossman. Il passe cinq heures avec l’artiste. La semaine suivante, Kramer accompagne Dylan à un concert qu’il doit donner à Philadelphie. Il effectue le trajet en voiture avec lui.

Intimité

Il ne le quitte pas pendant un an. Il assiste ainsi à l’enregistrement de l’album Bringing It All Back Home. Il s’immisce dans l’intimité de Dylan. Il découvre un jeune homme drôle, intelligent. Qui se prête volontiers au jeu : « Faisons ce que tu veux, mais soyons animés », demandait-t-il au photographe. On voit Dylan debout sur une balançoire, perché dans un arbre, en train de jouer aux échecs… Souriant, le plus souvent. De nombreux documents (dont l’excellent film Don’t look back) révèlent pourtant un personnage volontiers méprisant en public, notamment à l’égard de la presse.

Photo : Daniel Kramer

Ceux qui ont vu le film I’m not there (réalisé par Todd Haynes en 2007) repenseront à la prestation de Cate Blanchett en voyant certaines photos : la silhouette androgyne de Dylan, tranche avec la virulence de ses textes, très engagés. Une image célèbre, floue, montre Joan Baez portant le « protest singer » comme un danseur de rock ferait voltiger sa partenaire.
Daniel Kramer s’avère capable de saisir des moments intimes, mais aussi de concevoir des pochettes d’album : Bringing It All Back Home, Highway 61 Revisited et Biograph. L’ancien assistant d’Alan et Diane Arbus, explique notamment la présence d’un Nikon rangefinder au second plan, ainsi que le choix du t-shirt, sur la photo d’Highway 61 Revisited. Autodidacte, il avoue avoir été beaucoup influencé par son mentor et ami, Eugene Smith. Ce dernier le convainc de travailler au grand-angle. Ce type d’objectif est trop cher à l’époque pour Kramer. Eugene Smith lui donne son appareil : « Tu n’as plus d’excuses maintenant. »

Anecdotes

On prend plaisir à repasser devant les images de Kramer, pour passer d’un alcôve à l’autre, où sont rassemblés de nombreux documents et objets : les guitares de Woodie Guthrie ou Elvis Presley, l’original du premier article de Robert Shelton publié en 1961 dans le New York Times, qui révèle Bob Dylan, ainsi que d’autres photos prises notamment par John Cohen, des traductions de chansons… En fond, la voix grave et les accords nerveux du début accompagnent en permanence le spectateur. Un regret toutefois : seuls les lieux et les dates sont mentionnés sous les images.

Photo : Daniel Kramer

Certes, dans l’entretien vidéo accordé au Grammy Museum, Daniel Kramer n’est pas avare en anecdotes. Le fait de l’avoir placé en préambule des soixante images noir et blanc est une bonne idée. Mais l’écran, seulement muni de deux casques (on peut se contenter de lire les sous-titres), est trop petit et mal placé. Cette interview apporte pourtant une valeur ajoutée appréciable aux photos.

Mythe vivant

Félicitons l’initiative de la Cité de la musique de rendre hommage à un artiste vivant : les dernières programmations de ce type du côté de la Villette étaient consacrées à Miles Davis, Georges Brassens, Serge Gainsbourg et John Lennon. Même si l’intitulé sous-entend un certain deuil. D’ordre artistique en l’occurrence. 1961-1966 : au cours de cette période, Bob Dylan sort sept albums. Une période prolifique qui voit l’avènement de tubes tels Blowin’ in the Wind ou Like a Rolling Stone. À la suite d’un accident de moto, en 1966, il se retire dans sa maison à Woodstock. À son retour deux ans plus tard, son style change. Sa voix, sa musique. Dylan opère un virage plus country. Une époque est révolue. La meilleure, de l’avis de nombreux fans. Cette exposition, montée sous l’égide de Bob Santelli, directeur du Grammy Museum de Los Angeles, permet de mieux cerner le rôle de Dylan dans la renaissance du folk engagé, en digne fils spirituel de Pete Seeger et Woodie Guthrie. L’œuvre de David Kramer humanise le mythe. La photo qui le caractérise le plus est la seule où Dylan est absent de la composition : une guitare repose sur l’étui ouvert, où se côtoient une veste et une paire de bottes.

- Bob Dylan, l’explosion rock 61-66, à voir à la Cité de la Musique, à Paris jusqu’au 15 juillet.

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