Un compact original, doté d’un système de recadrage donnant l’équivalent de focales célèbres sur les Leica télémétriques : c’était le modèle Q lancé en 2015, qui est rejoint par le Q2 doté d’un capteur de très haute définition et d’une construction tout terrain.
En 1998 alors que les zooms semblaient avoir gagné la partie, Leica annonçait le Tri Elmar f/4, sur ce petit objectif tri-focale, en tournant une bague crantée on choisissait la focale de 28, 35 ou 50 mm sur son télémétrique. Leica s’en est inspiré en numérique et le Q2 (proposé à 4 790 €) présente des perfectionnements notables par rapport au Q pour un tarif de lancement qui est très proche de celui de l’actuel Q-P. Et quelle différence sous le capot : le capteur passe de 24 à 47 millions de pixels, le boîtier est désormais protégé contre l’humidité et les poussières par de nombreux joints, mais pour l’aspect extérieur, le Q2 ressemble à son grand frère.
Le principe « tri-focal » en numérique ne s’appuie pas sur des traitements logiciels avec interpolation des fichiers comme le proposent des compacts et des téléphones. En fait, c’est en recadrant sur une portion du capteur, comme on pourrait le faire en post-traitement, qu’à partir d’une prise de vue au 28 mm on peut simuler d’autres focales, grosse différence avec le Tri-Elmar optique qui délivre toujours des images 24 x 36. Mais comme la définition d’un film couleur équivaut à environ 8 millions de pixels, le Summilux du Q2, un f/1,7 stabilisé (11 lentilles en 9 groupes, dont 3 asphériques), va permettre une finesse supérieure à celle de l’ancêtre argentique, sauf en… quadri focale avec la position 75 mm qui n’existait pas sur le premier modèle Q. La taille optimale des tirages souhaitée dépend du cadrage, puisque la définition baisse quand on recadre. Par exemple, à 28 mm avec une définition de 47 Mpxl, on réalisera un tirage 56 x 84 cm à 254 ppp ; en recadrage 35 mm, la définition passe à 30 Mpxl et on pourra faire un tirage 46 x 67 cm à 254 ppp ; en mode 50 mm, la définition sera de 15 Mpxl, avec à la clé un tirage 31 x 47 cm à 254 ppp ; enfin à 75 mm, on passe à 6,5 Mpxl (21 x 31 cm, 254 ppp).
Le Q était le tout premier appareil à intégrer un viseur électronique de 3,68 millions de points, le Q2 garde cette définition, mais remplace le LCD d’origine par un Oled nettement moins sujet aux scintillements. Le grossissement est de 0,76x, ce qui est tout à fait honorable pour un boîtier compact, bien des reflex 24 x 36 sont en deçà. Contrairement à d’autres systèmes de visée électronique qui affichent plein cadre l’image recadrée si on monte une optique APS sur un boîtier 24 x 36, Leica a fait le choix par défaut d’afficher toujours l’image du 28 mm et, comme sur les M télémétriques, d’insérer un cadre blanc qui montre le cadrage sélectionné, lequel se choisit par une simple pression sur un petit bouton situé près du creux qui sert à caler le pouce à l’arrière du boîtier. Certains Leicaïstes ne sont pas inconditionnels du 28 mm et préfèrent le 35 mm pour la photo de rue, dans ce cas, le Q2 offre une visée qui évoque celle du modèle historique, qui permet de voir le sujet « entrer dans le cadre ». En revanche, les cadres 50 et surtout 75 mm sont bien petits… certes là aussi comme le veut la tradition M.
Le système autofocus (qui permet aussi la reconnaissance des visages) a des cibles qui peuvent se positionner dans tout le champ sélectionné, plein écran à 28 mm, dans le cadre pour les autres cadrages. Pour rester précis à 50 et 75 mm, il vaut mieux préférer le mode « spot » pour la netteté. La cadence en rafale passe de 10 im/s en mécanique à 20 im/s en obturateur électronique, mais le Q2 n’est cependant pas dédié au sport, pour un bon suivi AF continu il vaut mieux se limiter à environ 4 im/s (cadence série intermédiaire), c’est plus périlleux au-delà, et indisponible à la cadence maximale. La vidéo enfin offre la 4K à 24 et 30 im/s, le modèle précédent n’était que Full HD et au WiFi du modèle Q s’ajoute un Bluetooth sur le Q2, sur ce point il s’agit d’un véritable bond en avant... même si le Q2 a perdu son déclencheur vidéo dédié.
Nous avons eu la chance non seulement de pouvoir prendre en main le Q2 avant sa présentation officielle d’aujourd’hui, mais encore de lui faire subir nos mesures habituelles de piqué et notre test de bruit numérique.
Les habitués du Leica M font retrouver leurs marques… à l’exception du viseur optique. L’appareil fait à peu près la même épaisseur, l’oculaire est à gauche, sur le dessus une bague de vitesses, sur l’objectif une bague de diaphragme. Quand on positionne ces deux commandes sur A on se trouve en mode programme, sinon on peut choisir priorité vitesse, diaphragme… ou tout manuel avec quand même l’assistance des Iso automatiques. Trois touches seulement jouxtent l’écran arrière : lecture, fonction, et menu. Mais ce dernier comporte beaucoup d’options de personnalisation notamment pour la molette qui tombe sous le pouce aisément quand on tient l’appareil de la main droite. Il est possible de personnaliser les commandes, nous vous conseillerions plutôt de rester simples... un pilotage tour manuel avec correction d’exposition à vue sera dans la tradition Leica de la photo de rue. Reste qu’en explorant les menus on trouvera aussi des modes scène, pour le sport, le portrait, le paysage diurne ou nocturne, etc., plus un mode panoramique et un mode HDR. On notera cependant qu’il y avait la place pour 1 ou 2 touches supplémentaires sur la face arrière sans entraver leur accessibilité, c’était le cas sur le Q, ce qui aurait pu offrir des accès directs à la sensibilité ou la correction d’exposition par exemple. On pourra affecter à ces fonctions la touche Fn ou la touche située au centre de la molette, mais c’est moins intuitif.
Comme le SL ou le récent CL, le Q2 procure par défaut, en Jpeg style standard, des images fines et douces qui évoquent l’argentique par leur absence de franges d’accentuation et par leur grain en hauts Iso. Bien sûr, il est possible d’augmenter les niveaux de netteté, de contraste et d’accentuation dès la prise de vue ou de préférer un style « éclatant ». Les modes noir et blanc sont très séduisants, mais bien sûr irréversibles en Jpeg. Pour exploiter au mieux les images dans toutes leurs nuances, on préférera le DNG qui est bien servi par le logiciel Lightroom conseillé par la marque. Dans ces conditions en développement par défaut (sortie pour papier brillant netteté standard) les mesures de piqué de l’objectif ont donné d’excellents résultats : à f/1,7 le centre en superlatif et les zones de tiers excellentes, les bords très bons et les angles bons, à f/2, 8 ils deviennent très bons et excellents de f/4 à f/8 alors que le reste du champ est au meilleur grade, puis la diffraction se fait sentir. La distorsion est invisible en pratique (0,06 %) et l’aberration chromatique maîtrisée (0,8 pixel). En position 35 mm la qualité est excellente dès la pleine ouverture et le rendement superlatif sur toute l’image de f/2,8 à f/8.
En hauts Iso Les Jpeg donnent de bons résultats, mais Leica n’applique que peu de réduction du bruit : les fichiers restent bons à 6 400 Iso mais assez granuleux, à 12 800 Iso les couleurs gardent leur saturation, mais pour des agrandissements importants on préférera rester à 3 200 Iso. En revanche un bon traitement manuel avec Lightroom offre des 6 400 Iso exemplaires, avec un petit grain ressemblant à une pellicule argentique, et des 12 800 Iso moins saturés mais aptes sans difficulté à être tirés en 40 x 60.
Au-delà de la prise en main et de l’ergonomie, très calquées sur le Leica M, deux points sont vraiment concluants : d’abord le confort de visée est excellent, comparable à celui des plus récents « hybrides », ensuite le silence est impressionnant, car l’obturateur mécanique est quasi-inaudible ce qui rendra de grands services dans les lieux où il faut être très discret et où l’obturateur électronique causerait des zébrures si l’éclairage est à base de Led ou de lampes au sodium. Nous avons eu le plaisir de faire quelques images à l’Aquarium de Paris (visite conseillée) et pendant le spectacle notre appareil n’a attiré l’attention de personne en obturation mécanique.
À lire, le test complet du Leica Q2, dans le numéro 114 du Monde de la Photo, en kiosque la semaine prochaine.
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