Le jeune photographe de l’agence VU’ rassemble dans un ouvrage intitulé 28 mm une sélection des meilleures images de ses trois projets phares : Portrait d’une jeune génération, Face 2 Face et Women are heroes.
« Plus mes projets voyageaient vers des lieux dont les musées étaient absents, où l’art n’avait pas de définition, plus c’étaient les communautés locales qui se chargeaient de leur donner un sens. » 28 mm retrace bien cette évolution. Depuis Portrait d’une génération à Women are heroes en passant par Face2Face. Passé maître de « l’exposition interdite », collant ses immenses portraits sur les murs de différentes villes au quatre coins du monde, JR fait figure d’artiste engagé. Et décalé. À la violence, il oppose un message de paix.
Tout commence aux portes de Paris, en 2006. Dans la cité des Bosquets, à Montfermeil. À la suite des émeutes survenues en novembre 2005, JR décide de nouer contact avec les habitants de ces quartiers chauds avec un artiste local, Ladj Ly. Leur but : caricaturer l’image des jeunes de banlieues véhiculée dans les médias en déformant leurs traits au 28 mm.
Portrait d’une génération voit le jour. « Le portrait est vraiment à sa place quand il initie un dialogue, et il suffit parfois de peu », écrit JR. Chaque photo est accompagnée d’une citation du sujet photographié. On la voit aussi à l’endroit où elle a été affichée, dans les rues de la capitale française, à Londres ou à Berlin. Ces visages dont les grimaces expriment tantôt de la joie, du dépit ou de la colère, révèlent une population bien vivante. En quête de visibilité, d’écoute. « Manque de dialogue, c’est ça… qu’on essaie de dialoguer dans tous les sens pour comprendre comment et pourquoi on en est arrivés là tous… Qu’est ce qui se passe exactement pour que ce soit comme ça ? », s’interroge Lil Pimp. Un projet né bien avant les débats sur l’identité nationale qui ont suivi l’élection présidentielle de 2007.
JR décline ensuite le concept au Proche-Orient. Avec son compère Marco, il se rend en Israël et dans les territoires palestiniens, animé d’une question : pourquoi ces peuples ne parviennent-ils pas à vivre ensemble ? Ces gens-là sont trop proches les uns des autres pour ne pas s’aimer. Cela saute aux yeux des deux artistes. Face2Face puis Hand in hand prennent une dimension politique. Les deux auteurs prônent la création d’un État palestinien. Tout en soulignant n’être pour aucun des deux partis.
L’alignement de portraits au grand-angle de représentants des trois grandes religions monothéistes exerce un impact visuel évident. Tout comme ces différents visages collés en vis-à-vis, montrant chaque fois un Palestinien et un Israëlien affichant une expression similaire. Comme toute caricature, la force du message n’occulte pas les raccourcis. Résumer ainsi l’absurdité conflit israélo-palestinien peut sembler naïf. Jr revendique néanmoins son action, se voulant résolument optimiste quant à son issue. Difficile de lui donner tort. Surtout quand il raconte avoir affiché ses immenses photos sur les murs, au nez et à la barbe des autorités locales, qui d’un côté comme de l’autre, sont restés spectateurs…
Women are heroes s’inscrit dans la continuité du projet : JR a souhaité photographié des femmes dans de multiples bidonvilles à travers le monde, lui qui les considère comme « principales victimes des guerres, des crimes, des viols ou des fanatismes politiques et religieux ». Certaines ont demandé que leur portrait soit collé en grand dans leur propre village. Pour certains collages, il a insisté sur le regard, en effectuant des recadrages très serrés.
Les vues aériennes des falvelas de Rio ou les photos de tôles recouvertes de portraits dans des bidonvilles au Kenya ou au Cambodge frappent par leur ampleur. Tout comme les collages effectués en plein cœur de Paris, sur l’île de la Cité, sur le pont Louis-Philippe ou l’île Saint-Louis. Ce livre donne un bel aperçu de l’œuvre du photographe de l’agence VU’. C’est néanmoins au grand air que ces images au 28 mm donnent leur pleine mesure.
À noter, JR publie également, Artocratie en Tunisie (éditions Alternatives). Un ouvrage qui rassemble le travail collectif de six photographes tunisiens, charger de tirer le portrait de cent personnes pour montrer la diversité de la population, à la suite de la « Révolution du Jasmin », qui a renversé le régime de Ben Ali.
Photos : JR/Agence VU’
28 mm, par JR, éditions Alternatives, 22 x 32,5 cm, 240 pages, 30 €
Artocratie en Tunisie, par JR, éditions Alternatives, 20 x 26 cm, 96 pages, 15 €