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Pellicule Pancro 400 : une histoire française

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09/02/2017 | Sandrine Dippa

Après l’américaine Ektachrome et la P30 de l’italien Ferrania, l’entreprise française Bergger dévoile la Pancro 400. La pellicule noir et blanc sera disponible dans les semaines à venir aux formats plan-film, 35 mm et 120 mm. Rencontre avec Aurélien Le Duc, le président de la structure créée en 1995. 

Le Monde de la Photo : Nous connaissons (presque) tous l’ex-géant de la photo Kodak ou Ferrania, mais un peu moins Bergger. Présentez-nous l’entreprise dont vous avez racheté une grande partie des parts en 2014.  

Aurélien Le Duc : Bergger est une marque française spécialisée dans l’élaboration de surfaces photosensibles. Elle a été fondée en 1995 par Guy Gérard, ingénieur chimiste chez Guilleminot, la plus ancienne entreprise de fabrication de papiers et de films basée à Amboise. Lorsqu’ils ont fait faillite, Guy n’a pas voulu que tout ce savoir-faire se perde. Il est donc parti avec ses formules sous le bras et avec Daniel Boucher, son ami d’enfance, ils ont monté Bergger afin que l’histoire de la photographie en France ne s’arrête pas. Je suis devenu président de Bergger en 2014, lorsque j’ai racheté la majorité des parts de Guy qui souhaitait alors prendre sa retraite. 

MDLP : Votre première pellicule, la Pancro 400 sera disponible dans quelques semaines. Pourquoi avez-vous décidé de produire ce film ? 

A L : Contrairement à Guy Gérard, mon prédécesseur, qui pense que dans la photo, ce qui va rester c’est le tirage papier, je pense qu’il faut miser sur le film, car il permet aux photographes de rentrer dans la photographie argentique. Aujourd’hui, quand les gens disent qu’ils font de l’argentique, ils mettent une pellicule dans l’appareil, la développent, finissent par tout scanner, et c’est tout. Nous avons donc voulu toucher ces personnes qui n’utilisent plus de papier et qui constituent la majorité des photographes pratiquant l’argentique. 

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Photo : Aurélien Le Duc

MDLP : Quelles sont les spécificités de ce film noir et blanc ?  

A L : C’est le premier film – depuis une dizaine d’années – à avoir été entièrement formulé par nos soins. Il s’agit d’une pellicule de 400 Iso composée de plusieurs couches produisant un grain fin. Comme la Tri-X de Kodak ou la Neopan 400 de Fujifilm, il a une résolution très élevée et produit une large gamme de gris qui va lui permettre d’encaisser les écarts de contraste entre les très hautes lumières et les ombres.

MDLP : Pouvez-vous nous en dire plus sur sa fabrication ?  

A L : La Pancro 400 n’est pas fabriquée en France car notre pays est une catastrophe industrielle : il n’existe plus aucune usine de fabrication de produits photographiques. Nous n’aurions pas les moyens de faire tourner une usine en France. La surface sensible est donc réalisée en Allemagne à partir de notre cahier des charges. En une journée, elle nous fabrique deux ans de stock. 

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Photo : Aurélien Le Duc


MDLP : Après l’hécatombe du début des années 2000 causée par l’arrivée du numérique, le vent semble tourner pour la photographie argentique. Que traduit cet intérêt du public pour ce médium, selon vous ?
 

A L : Je crois que c’est un juste retour de situation après le raz-de-marée du numérique et la fausse simplicité que ces boîtiers apportent. Je pense que dans un monde devenu totalement dématérialisé, les gens ont besoin de revenir à des valeurs tangibles et physiques. Le retour du film photographique s’inscrit totalement dans cette démarche. Mais ça ne touche pas que la photographie. De nombreuses personnes réécoutent des vinyles ou se remettent au tricot, des choses faites à la main qu’on peut toucher. 

De nos jours, pour faire de la photo numérique, il faut aussi utiliser un ordinateur, sur lequel on passe déjà beaucoup de notre temps au travail. La photo étant un loisir, je pense que les gens n’ont pas envie de s’y adonner avec un appareil leur rappelant leur outil de travail.
Il y a cependant certains combats qui sont perdus d’avance comme la photo de famille. Elle se fait aujourd’hui au smartphone et on ne reviendra sans doute pas en arrière à cause de la facilité qu’apporte le téléphone. 

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Photo : Aurélien Le Duc

MDLP : D’après vous, qui sont ces adeptes de photo argentique ?  

A L : Ce sont des gens qui se demandent si l’argentique n’est pas au final un moyen permettant de mieux s’exprimer. Ça va du professionnel à l’amateur averti. Les professionnels l’utilisent rarement pour les commandes car il ne permet pas de travailler aussi vite qu’avec le numérique. Ils l’utilisent plus pour leurs travaux personnels car ça donne souvent une valeur ajoutée. Le film intéresse aussi beaucoup d’auteurs et de plasticiens. 

MDLP : Cet usage tend-il à s’installer dans la durée ?  

A L : À première vue, on pourrait penser à un effet de mode mais quand on se penche sur la question, on se rend compte que non. Avec notre partenaire Illford, nous nous sommes aperçus qu’en général les effets de mode se traduisent par une augmentation brutale des ventes suivie d’une chute tout aussi violente. Pour le film, ce n’est pas du tout le cas. Depuis la chute des ventes de 2002, ce n’est qu’en 2010 qu’elles ont doucement repris. Tout comme le papier l’intérêt est progressif et constant. 

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Photo : Aurélien Le Duc

MDLP : À ce jour, vous proposez du papier RC, du baryté mais aussi de la chimie (révélateurs films, papiers et solutions de virage). Avez-vous prévu d’élargir votre offre ?  

A L : On va déjà digérer le lancement de la Pancro 400 et voir comment elle est accueillie. Si elle plaît, nous réfléchirons à une pellicule de 25 ou de 100 Iso. Concernant le film couleur, pour l’instant ce n’est pas prévu, même si l’usine allemande avec qui nous collaborons est capable de la produire. Nous continuons aussi à travailler sur notre chimie et sur des films de labo issus des archives de Guy. Ils ne seront pas destinés au grand public mais plutôt aux adeptes de procédés anciens.

- Le site de Bergger

Propos recueillis par Sandrine Dippa

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