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Nikon

3.Presse féminine et publicité

technique
01/02/2010 | Benjamin Favier

Dans la ligne de mire du projet de loi de Valérie Boyer, les affiches publicitaires et la presse féminine. Selon l’article en question, la mention « Photographie retouchée afin de modifier l’apparence corporelle d’une personne » doit apparaître sur les clichés concernés. Même si, contrairement à ce qui est précisé en préambule du projet de loi, seules les photographies publicitaires sont mises à l’amende dans l’article (lire chapitre 6). Que reproche l’adjointe au maire de Marseille, à ce type d’image ?


Couverture de Paris Match, daté du 6 août 2009.
Photo : Alix Malka/H&K

« Prenons le cliché de Sharon Stone en couverture de Match (voir ci-dessus) : la photo n’est pas gênante. Elle est plutôt belle. Mais c’est le commentaire qui est hallucinant ! Je ne vise aucun magazine. Toute la presse féminine est concernée. Dans une société de l’image, tout est formaté, on ne supporte plus aucune ride. » Au départ, la volonté de Valérie Boyer est d’inscrire ce projet dans le cadre de son combat contre l’anorexie. Selon elle, la déformation corporelle constitue la racine de ces troubles du comportement alimentaire, notamment chez les jeunes femmes. Elle espère ainsi le faire voter dans le cadre du projet de révision de la santé publique, qui se déroulera à l’automne. Mais depuis l’annonce du projet en septembre dernier et les réactions qu’il a suscitées, la députée réalise qu’il touche d’autres domaines : « Mon angle d’attaque était la santé publique. Compte-tenu du buzz que ça a fait et de l’intérêt que ça a provoqué, on a dépassé ce cadre-là. Je préférerais un débat beaucoup plus large. »
Chez nos voisins allemands, un magazine a pris récemment le problème à bras le corps. Depuis le début de l’année, Brigitte, titre vendu en moyenne à 200 000 exemplaires, mène une campagne en faveur d’images plus naturelles. Le mot d’ordre : « Ohne Models, eine neue epoche beginnt. » (Sans mannequins, le début d’une nouvelle époque).


Depuis le début du mois de janvier, le magazine allemand Brigitte ne travaille plus avec des mannequins professionnels. Son lectorat ne se retrouvait plus dans l’image véhiculée par le titre.
Photo : Astrid Grosser

Fini les mannequins dans les pages du magazine. Sabine Eischstett, journaliste au service Mode, explique les raisons de ce choix : « On a décidé de faire ça il y a six mois environ. Nos lectrices ont une relation très forte avec le titre. Pour elles, les mannequins étaient trop minces. Elles ne se reconnaissaient plus. » Ironie de l’histoire, c’est une campagne publicitaire qui a convaincu les membres de la rédaction : « Dove a fait une campagne de pub très remarquée pour une crème de beauté : les modèles, des femmes ordinaires, posaient nues, naturelles. Cela a été un énorme succès en Allemagne. » Depuis, le succès semble être au rendez-vous, et personne n’imagine faire machine arrière : « C’est une décision prise sur le long terme. On a commencé dès le mois de janvier. Plus de 1 000 femmes ont déjà fait part de leur désir de travailler avec nous. » Quand on demande si ce mode de fonctionnement permet au journal de faire des économies, Sabine met en avant une sélection et une rémunération identiques à ce qui se faisaient auparavant : « Elles peuvent déposer une courte biographie ainsi que quelques images sur notre site. On fait ensuite un casting. Les candidates retenues pour un shooting perçoivent les mêmes honoraires que les mannequins professionnels », nous assure Sabine. Et les photographes, pas trop dur de les convaincre ? « Ils sont devenus curieux. Ils étaient séduits par l’idée de travailler avec des femmes que l’on croise au quotidien, tout aussi belles, mais que l’on a moins l’occasion de voir en studio. »


La députée UMP des Bouches du Rhône Valérie Boyer, devant son bureau, à l’Assemblée nationale, en janvier 2010.
Photo : Benjamin Favier

N’y a-t-il pas là une solution, qui éviterait de passer par la voie législative ? Non, répond Valérie Boyer. Selon elle, la presse française est trop « formatée et rigide ». Pourtant, on se souvient de l’initiative du magazine Elle, de faire poser des « stars sans fards » devant l’objectif de Peter Lindbergh. Qu’en est-il aujourd’hui ? Michèle Fitoussi, rédactrice en chef, se montre claire, dès le mois de septembre dernier, quand le projet de loi est annoncé, dans un entretien accordé à RTL : « C’est prendre les consommateurs pour des idiots ». Avant d’ajouter : « Tant qu’on y est, mettons aussi : elles ont les seins refaits, se sont faits enlever une côte ou encore attention, je ne suis pas vraie ! » Normal, pourrait-on dire. Après tout, sa position s’inscrit au cœur de la ligne éditoriale du journal, comme l’énonce Valérie Toranian, directrice de la rédaction, dans la préface de l’ouvrage Elle, 1945-2005, Une histoire de femmes (éditions Filipacchi) : « La promesse est dans l’idée que Elle, c’est moi en mieux, comme nous l’a un jour expliqué une lectrice. Le mélange de ma vraie vie et de mes rêves. C’est sans doute cela l’alchimie mystérieuse, le secret du lien qui nous attache à nos lectrices et qui se transmet de mères en filles : promouvoir le désir, prendre nos rêves au sérieux, continuer de croire que le meilleur est possible, souffler sur la réalité un vent d’optimisme. » Sollicitée pour commenter la décision de Brigitte, la direction du magazine n’a pas souhaité s’exprimer.
Si les mannequins, masculins ou féminins, avouent rarement se reconnaître sur les images finales, que dire quand il s’agit d’une personnalité ? Aussi, l’humoriste Florence Foresti s’est étonnée de voir son nez retravaillé en une du magazine Psychologies, au mois d’août dernier. Elle déclare alors, sur le plateau du Grand Journal de Canal+ : « Et après, comment tu veux croire en toi ? ». Plus récemment, c’est une apparition de l’actrice américaine Demi Moore en une du magazine W, qui a suscité une polémique.


La une du magazine américain W a provoqué une polémique : selon le photographe Anthony Citriano, la retouche sur le corps de l’actrice Demi Moore est grotesque et porte atteinte à la crédibilité de la profession.
Photo : Mert and Marcus

Le photographe Anthony Citriano dénonce sur son blog le corps retouché de la star. Il ironise sur les formes absurdes, notamment au niveau des hanches. Et ne manque pas de porter un jugement sévère sur la rédaction du magazine et les photographes, en posant la question suivante : « Est-ce que quelqu’un regarde ces photos avant qu’elles ne soient imprimées ? » Citriano n’a rien contre la retouche en elle-même. Mais comme beaucoup de confrères, il dénonce l’excès et la facilité avec laquelle certains photographes en abusent.

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